KHIDMA l’honneur de recevoir Serigne Souhaybou KEBE, célèbre savant et chercheur sur l’Islam. Il nous entretient de la notion de « tarbiyyah » (éducation spirituelle) et de la place fondamentale qu’elle occupe dans la vie de tout être humain désireux d’entamer sa marche vers le Seigneur. Il revient sur la spécificité et la finalité de la méthode utilisée par Cheikh Ahmadou Bamba. Serigne Souhaybou attire également notre attention sur un certain nombre de pièges qui jalonnent le cheminement spirituel de l’aspirant. INTERVIEW.
KHIDMA : Quelle est l’importance de la « tarbiyyah » dans la vie d’un être humain de manière générale ?
Serigne Souhaybou Kébé : La réponse à cette question coule de source. Dans la vie d’un individu, il est primordial qu’il fasse l’objet d’une socialisation. Cette action a pour but de lui permettre de vivre parmi ses semblables selon les codes, us et coutumes dans la société où il évolue. Il serait en effet inconcevable qu’un être humain intègre la société selon son état brut initial. Il lui faut délaisser un pan de cet aspect originel pour pouvoir embrasser la vie sociale. Cette étape est d’autant plus importante que chaque société a un idéal et des modes de vie dont il convient de se conformer. L’être humain ne saurait être un animal tout court au milieu de ses semblables. Il lui faut être, comme l’a dit Aristote, « un animal social » enclin à respecter les normes sociales édictées. Il en est ainsi dans toutes les sociétés humaines connues.
Cette préparation de l’individu à la vie sociale passe par l’éducation (« tarbiyyah »). L’ensemble des religions connues, de même que tous les courants de pensée en reconnaissent l’importance et la centralité pour toute vie en société. Ils sont tous d’avis que pour évoluer auprès de ses semblables sans heurts, l’être humain doit se débarrasser autant que faire se peut, à travers la socialisation, de sa nature purement animale pour que soient installés en lui les bons comportements. C’est de la sorte qu’il pourra se rendre utile à soi-même et aux autres et donc vivre selon l’idéal de la société dans laquelle il est appelé à évoluer. C’est à ce titre que la « tarbiyyah » demeure incontournable dans la vie d’un être humain.
KHIDMA : Quelle place occupe la « tarbiyyah » dans l’Islam ?
SSK : De manière générale, toutes les religions révélées sont venues effectuer la « tarbiyyah » sur les humains. Le Coran nous dit : « C’est Lui qui a envoyé à des gens sans Livre (les Arabes) un Messager des leurs qui leur récite Ses versets, les purifie et leur enseigne le Livre et la Sagesse, bien qu’ils étaient auparavant dans un égarement évident.» (Sourate 62/verset 2) Nous comprenons donc que la première finalité des envoyés de Dieu est de transmettre le Message de Celui-ci. Cette transmission passe par l’inculcation aux créatures des nobles caractères et le bon comportement. Nous tenons là une preuve de la place centrale qu’occupe la « tarbiyyah » dans l’Islam ; religion dont le but est de préparer l’être humain idéal communément appelé « citoyen modèle » en ces temps modernes. Mais l’Islam ne reconnaît pas cette notion restrictive. Il s’adresse plutôt à un être humain dépassant les frontières, les clivages communautaires, le temps et l’espace.
KHIDMA : Quelle est la place de la « tarbiyyah » dans le Mouridisme ?
SSK : La place qu’occupe la « tarbiyyah » dans le Mouridisme est identique à celle qui lui est reconnue dans l’Islam. Rappelons que la mission de Cheikh Ahmadou Bamba était de rénover la voie tracée par le Prophète Mouhammad (PSL). À ce titre, il assumé la même mission, qui est d’éduquer l’être humain en vue d’en faire une créature utile à soi-même et aux autres. Depuis sa célèbre déclaration à Mbacké Cadior invitant les apprenants à le rejoindre sur la voie de la « Himma », le Cheikh s’est employé à éduquer lui-même les disciples qui l’ont suivi. « J’ai reçu de mon Seigneur l’ordre de mener les hommes à Dieu, le Très Haut. Ceux qui veulent emprunter cette voie n’ont qu’à demeurer avec moi. Quant aux autres qui ne désirent que l’instruction, le pays dispose d’assez de lettrés (érudits) pouvant satisfaire leur ambition. Je les autorise à rejoindre ceux-ci », adressa-t-il à son entourage. L’originalité de sa méthode s’explique par le fait le Cheikh a introduit une révolution spirituelle en opposition radicale avec ce que nous connaissions d’habitude. Pour ce faire, il fallait un nouveau type d’homme. Or le système qui prévalait n’était pas adapté au projet du Cheikh de refondation d’une société portée par un être humain imbu des valeurs islamiques.
À l’image de la Révolution française ou celles connues dans d’autres contrées, toutes les fois où un système sociopolitique donné ne parvient plus à répondre aux attentes de ses habitants, le changement de paradigme est nécessaire. Quant au Cheikh, il a jugé plus utile la révolution spirituelle, qui ne saurait prospérer que par une nouvelle méthode de « tarbiyyah », comme l’évoque Cheikh Mouhammadoul Bachir Mbacké dans son ouvrage Minanoul Baakhil Khadîm.
Dans cette impérieuse mission, le Cheikh s’est posé comme un éducateur (Murabbî). Il marqua sa différence le jour où il dira à ses proches que quiconque n’avait d’objectifs que livresques pouvait se diriger vers un autre que lui et que ceux qui aspiraient à Dieu pouvaient rester. L’aspiration du Cheikh n’est rien d’autre que l’Agrément divin. Cet acte historique marqua le début de sa mission de transformation de la société.
Dans ses pérégrinations entre Mbacké Baol, Mbacké Cadior, Darou Salam, Touba, Mbacké Bâry, etc., le Cheikh a éduqué de nombreux individus sur le prototype de l’être humain qu’il souhaite mettre sur pied : l’aspirant véridique (Murîd Saadikh). Parmi ces aspirants de la première heure, nous pouvons citer pêle-mêle Cheikh Ibrahima Fall, Serigne Mbacké Bousso, Mame Cheikh Anta Mbacké, Cheikh Ibrahima Sarr Ndiagne, Serigne Adama Guèye et bien d’autres qui sont les premiers à être formés à l’école de Cheikhoul Khadim. Ce prototype d’individu est exemplaire sur les trois volets qui composent l’être humain : l’âme, l’esprit et le corps. Son âme est remplie de lumière divine. Son corps est dépourvu de toute paresse dans le service à soi et aux autres. Son esprit est un réceptacle de sciences utiles lui servant de lanterne dans sa vie.
L’éducation de l’esprit est basée sur la connaissance, celle en direction de l’âme s’appuie sur l’invocation de Dieu et les exercices spirituels. Quant au corps, il est modelé à travers la Khidma pour la face de Dieu. À travers ce triptyque, le Cheikh a su éduquer des personnalités qui s’érigent en exemples à tous points de vue et qui demeurent les porteurs du projet de société qu’il est venu mettre sur pied. Une société dont l’implantation ferait échec à toutes les agressions extérieures, dont la plus significative à l’époque était la colonisation. En effet, le projet du Cheikh est d’éduquer un individu à même de servir ses semblables. Or le projet colonial était porté par des personnages qui entendaient se servir des populations à des fins matérialistes. « Servir » et « se servir » sont donc les deux projets de société qui se sont fait face. Les différences entre ces deux visions sont nombreuses : l’Est contre l’Ouest, Touba contre « toubab », le bien contre le mal, la lumière contre l’obscurantisme. Il s’agit donc de deux forces contraires qui se disputent les humains. Celle du Cheikh a pour objectif de les amener vers leur Seigneur tandis que celle des colons entend les conduire dans les abysses de Satan. La confrontation était inévitable, car les deux forces s’adressent aux mêmes êtres humains, dans un même cadre social.
C’est ainsi que la multiplication des centres d’éducation et de formation fondés par le Cheikh a été vite perçue par le colon comme un danger pour son projet d’exploitation matérialiste. C’est tout le sens des accusations fallacieuses qui ont été portées sur lui et qui lui ont valu l’exil et les résidences surveillées successives. Il leur fallait un prétexte pour mettre à exécution le plan de mise en échec du projet du Cheikh. L’administration coloniale ignorait alors que Cheikhoul Khadim avait déjà développé le prototype de l’être humain devant porter ce projet, incarné par des Chouyoukhs exemplaires en tous points de vue.
La déportation du Cheikh et sa privation de liberté l’ont empêché de continuer à s’occuper physiquement de l’éducation des disciples. Il convient de rappeler que partout il a été en résidence surveillée, les disciples subissaient des restrictions drastiques visant à éviter leur contact avec le Cheikh. C’est en raison de ces nombreuses contraintes qu’il orientait désormais les nouveaux arrivants vers d’autres disciples dont il avait déjà parfait l’éducation. Serigne Saliou Mbacké raconte qu’un individu est venu à Diourbel pour demander au Cheikh de l’éduquer (tarbiyyah). Il lui répondit : « l’éducation exige d’être en contact permanent avec le sujet à éduquer. Or je ne suis plus en mesure d’être physiquement en contact avec vous. Cependant, je vous oriente vers Balla Faly Dieng, car je l’ai moi-même éduqué. Il sera en mesure d’accéder à votre demande ». En faisant cette déclaration, le Cheikh souhaitait faire comprendre que l’éducateur doit, à l’instar du médecin qui a hospitalisé un patient, exercer une surveillance étroite sur ce dernier. Le fait de prodiguer des conseils à une personne à distance ne saurait être dénommé « tarbiyyah » éducation, mais « Naciha » ou « Irshad» .
KHIDMA : Quelle est la spécificité de la méthode de « tarbiyyah » utilisée par Cheikh Ahmadou Bamba ?
SSK : Comme je l’ai rappelé tantôt, la mission du Cheikh était la continuation de celle du Prophète Mouhammad (PSL). Un tel objectif appelle des méthodes spécifiques, car la destination de l’individu lui dicte la voie qu’il doit emprunter et les moyens dont il doit se servir. Tous les efforts de Cheikhoul Khadim sont déployés dans la formation d’un être exemplaire aussi bien vis-à-vis des créatures que du Créateur, bref un aspirant véridique (Murîd Sadikh). Nous percevons ici les relations horizontale et verticale qui fondent la « tarbiyyah ».
Rappelons que l’unique mission de l’être humain sur terre est la recherche de l’agrément de Dieu, comme nous le rappelle le Cheikh. C’est ainsi que toutes ses actions, comportements, interactions, entreprises et initiatives se doivent d’être orientés vers cet unique objectif.
En empruntant une démarche originale, le Cheikh nous a rappelé le sens de notre vie sur terre – l’agrément de Dieu – et les moyens d’y parvenir. Il nous a également indiqué le type d’individu qui peut atteindre cet objectif, c’est-à-dire une créature imbue de la foi (Îmân), exécutant les actes cultuels (Islâm) et épris de perfectionnement spirituel (Ihsân). C’est un tel individu qui est suffisamment outillé pour marcher vers son Seigneur.
Cheikhoul Khadim a revivifié la méthode de la Khidma comme moyen de parvenir à l’enceinte scellée de Dieu, nous rappelle Serigne Mouhammadoul Amine Diop dans son ouvrage Irwaa-u Nadîm. Cette méthode consiste, pour certains disciples, à s’occuper de tâches domestiques au service de leurs semblables. Les « Baye Fall » en sont un exemple pertinent. Ces actions réalisées pour la seule face de Dieu contribuent à purifier le cœur de leurs auteurs. En les multipliant, l’être humain se débarrasse de tous les méfaits qui entachent son cœur pour s’approcher inexorablement du Seigneur.
KHIDMA : Existe-t-il d’autres voies pour bénéficier des mérites de la « tarbiyyah » ?
SSK : Il convient de préciser que la « tarbiyyah » est une des voies parmi d’autres qui sont susceptibles de conduire l’être humain jusqu’à son Seigneur. Le Cheikh déclare dans Nahju (La Voie de Satisfaction des Besoins) qu’un ami exemplaire peut transmettre à celui qui en fait son compagnon les nobles valeurs. « Quand tu es parmi des gens, fréquente les meilleurs d’entre eux ; ne fréquente guère les pervers, en la compagnie desquels tu finiras par être pervers », dit-il. Il ajoutera par ailleurs que les reproches et actions d’un ennemi à notre égard peuvent nous commander des adaptations de comportement à même de nous mettre sur la bonne voie. Certains doctes disent en outre que l’individu peut bénéficier des mérites de la « tarbiyyah » en lisant des ouvrages qui magnifient les bons comportements en tentant de s’y conformer. Cependant, cette méthode livresque est extrêmement périlleuse, car l’individu peut s’estimer sur la bonne voie alors que tel n’est peut-être pas être le cas.
Certains savants considèrent que l’invocation de Dieu (Zikrullaah) et les prières sur le Prophète (Salâtu ‘Alan-nabi) – si elles sont effectuées de manière saine et constante – peuvent constituer un mode de « tarbiyyah ». En effet, ces invocations dissolvent l’âme de la personne dans la lumière divine. Il en est ainsi, car elles écartent les mauvaises pensées de même que les pires actions jusqu’au point où l’invocateur ne ressente plus que Dieu et son Prophète (PSL). Et quelle belle Éducation ! C’est sans doute la raison pour laquelle Cheikh Ahmadou Bamba déclare que ses Qaçaïds peuvent occuper la place d’un éducateur (Cheikhou-Tarbiyyah).
Il est important de préciser que toutes ces voies alternatives de la « tarbiyyah » ne sont à emprunter que si l’individu n’a pas les moyens de trouver un Cheikh qui remplit tous les critères. Dieu nous rappelle dans le Coran : « Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée; et lui a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété ! A réussi, certes, celui qui la purifie. Et est perdu, certes, celui qui la corrompt. » (Sourate 91/versets 7 à 10). Allah indique en outre dans son Livre Saint : « Nous avons certes créé l’homme dans la forme la plus parfaite. Ensuite, Nous l’avons ramené au niveau le plus bas, sauf ceux qui croient et accomplissent les bonnes œuvres : ceux-là auront une récompense jamais interrompue. » (Sourate 95/versets 4 à 6).
De ces versets coraniques, nous comprenons que la créature humaine contient de bons et de mauvais composants. Il peut donc être soit un « ange » soit la créature la plus détestable. Ainsi, tout être humain est doté donc de deux potentialités : il peut atteindre la plus haute station du Bien tout comme il peut culminer au degré le plus élevé du Mal. J’aime prendre l’exemple d’un ciment qui vient d’être mouillé ; il ne dépend que de la volonté du constructeur d’en faire usage pour réaliser un château, une route ou tout autre ouvrage. L’âme de l’être humain est dotée d’une potentialité et d’une énergie qu’il peut orienter vers la bonne ou la mauvaise direction. Il est de la responsabilité de l’individu de choisir une des deux. Dès qu’il opte pour la voie du Bien, les embûches se dressent devant lui. C’est ainsi qu’il lui est recommandé de trouver un Guide qui l’accompagne sur ce chemin tumultueux.
KHIDMA : L’aspirant peut-il se satisfaire de la lecture des Khassaïdes en se passant d’un Guide éclairé ?
Il est plus prudent de s’attacher les services d’un Guide, car effectuer soi-même sa « tarbiyyah » contient des dangers que le principal concerné peut ne pas déceler. La marche vers le Seigneur est parsemée d’embûches, dont la première est l’autosatisfaction.
La lecture des panégyriques (Khassaïdes) conduit certains à mépriser leurs semblables et à se sentir supérieurs à eux. Ceux-là estiment qu’ils n’ont besoin de personne pour entamer la marche vers leur Seigneur. Or le propre des écrits du Cheikh est de mener l’individu vers la fusion de son égo dans la lumière divine.
L’un des plus graves dangers dans l’expérience soufie reste l’égo. En effet, l’adepte du Soufisme a pour objectif de se fondre dans la lumière divine. Or l’égo l’en empêche, surtout dans notre monde dit moderne qui valorise l’individualisme, l’affirmation de soi et la satisfaction personnelle ; tout le contraire du Soufisme. Nombreux sont les humains qui œuvrent jour et nuit sans se douter qu’ils ne font que renforcer leur égo. Un tel contexte rend nécessaire l’aide d’un Guide éclairé.
Pourtant certains déclarent que les Khassaïdes remplacent tout Cheikh dans leur vie. Je rappelle ici que les écrits du Cheikhoul Khadim sont bien plus que des guides. Les premiers vices qu’ils dissipent chez l’individu sont l’orgueil (Al-Kibr) et la glorification de soi. Dès l’instant où nous nous considérons au-dessus d’une quelconque créature, nous sommes très éloignés de la voie du Seigneur. Satan en a fait les frais quand il a refusé de se prosterner sur notre ancêtre Adam. Un Guide éclairé nous ouvre les yeux sur ces dangers permanents.
La marche vers le Seigneur doit conduire l’individu à se dissoudre tel un morceau de sucre dans l’eau. Ici le morceau de sucre renvoie à l’EGO de la personne ou à son MOI. Le rôle du Guide est de casser la coque qui entoure le MOI et qui l’empêche de se fondre dans l’océan de la lumière divine. Dans son ouvrage intitulé Les Itinéraires du Paradis, Cheikh Ahmadou Bamba nous rappelle d’ailleurs qu’un soufi n’utilise jamais l’adjectif possessif « MON ». Il fait usage du terme « NOTRE » pour affirmer l’inexistence de son égo. Un hadith du Prophète Mouhammad (PSL) nous apprend que le Soufisme (Ihsân) revient « à adorer Dieu comme si on le voyait, car même si on ne le voit pas, LUI nous voit ». La version arabe de ce hadith comprend une subtilité que certains savants expliquent d’une autre manière. En arabe il est dit : « In lam takun tarâ-hu fa inna-hû yarâka » (si tu ne le vois pas, sache que LUI te voit). Certains savants s’arrêtent à « In lam takun tarâ-hu » et le traduisent par : « si tu n’es plus, alors tu LE vois ». Autrement dit, on ne perçoit Le Seigneur que si notre égo cesse d’exister.
S’agissant de Khaissaides, s’ils sont utilisés à bon escient et selon les conditions de pureté édictées par le Cheikh, ils dissolvent le MOI de l’individu dans l’océan de lumière divine. Il convient néanmoins de préciser que l’un des dons du Cheikh est que l’état spirituel dans lequel il se trouve en écrivant un Qacîda est transposé dans celui-ci. Un tel état est transmis au lecteur sincère. Cependant, personne ne saurait profiter des bienfaits de ces écrits s’il n’est pas propre. Ici la propreté n’est pas seulement celle consécutive aux ablutions ou à la purification majeure. Elle a trait au cœur de la personne, qui ne doit viser que l’agrément de Dieu au moment de la lecture. Le Cheikh déclare dans son poème Jâlibatoul Maraakhib : « Ô ALLAH, par mes écrits, accorde l’éducation spirituelle à tous ceux qui les liront pour la simple face de Dieu. Par mes écrits et mes inspirations, éclaire la lanterne de tout aspirant qui cherche la bonne voie ». Cette prière est sans équivoque sur la force des écrits du Cheikh. Malheureusement, certains lecteurs ne s’y adonnent que pour être remarqués ou pour se sentir considérés aux yeux de leurs semblables.
Il convient de faire attention sur les Khassaïdes, car un certain nombre d’entre eux n’ont pas à être lus si bien que le Cheikh les avait soustraits au grand public. D’autres sont destinés au combat. De tels écrits peuvent comporter des dangers chez quiconque les lit régulièrement. En revanche, certains écrits sont composés d’invocations et de prières sur le Prophète (PSL) dont il nous est autorisé de multiplier la lecture. Dans le doute et pour ne pas se laisser abuser par notre égo ou par Satan, attachons-nous à un Guide à même de nous indiquer les écrits qui sont les mieux adaptés à notre tempérament spirituel. Alors qu’un disciple était venu se plaindre de désagréments que lui aurait causés un Qacida, Serigne Moustapha Saliou Mbacké lui indiqua que les écrits du Cheikh sont à l’image des différentes nourritures que nous consommons. Si nous constatons que l’une d’entre elles ne convient pas à notre métabolisme, il suffit d’en choisir une autre. Il ajoutera qu’une fois rassasié, il n’est pas recommandé à l’individu de continuer à manger, sauf à risquer des complications sur sa santé.
Toutes ces considérations rendent nécessaire notre référence à un Guide nous permettant d’y voir clair. Même dans la Jurisprudence islamique, il n’est pas recommandé de puiser les sciences islamiques chez un individu qui les tient uniquement des livres. Il n’est pas non plus recommandé d’apprendre le Coran chez une créature qui ne l’a pas appris auprès d’un Maître. Il en est ainsi, car l’Islam tient particulièrement à la chaine de transmission des savoirs. De plus, en matière de cheminement spirituel, le fait de côtoyer un être vivant ne saurait être comparable à l’étude d’un simple texte.
Propos recueillis par Omar Ba
Traduit du wolof au français par Omar Ba