De tous temps, les êtres humains ont eu à édifier des espaces dédiés au culte. Le culte est individuel, mais il a aussi fondamentalement une dimension collective qui nécessite des lieux de rencontre, des espaces de rassemblement pour le célébrer. 

Symbolique de la mosquée 

Dans sa définition classique, la religion, la religare, est ce qui relie, ce qui fait lien dans une communauté de croyants. Et chaque religion est faite de rites, et bien souvent le culte s’exprime en des lieus particuliers spécialement dédiés. Les temples, les synagogues, les églises, les mosquées, en sont les symboles les plus en vue à travers le monde entier. La mosquée occupe une place centrale en Islam. Elle est présente aux premières heures de cette religion de paix à vocation universelle, du temps même du Prophète Mouhammad (PSL). Et le Saint Coran en fait plusieurs fois mention. Elle est donc consubstantielle à l’Islam, et elle en est un des marqueurs visibles et symboliques. On pourrait même dire que la mosquée est le marqueur le plus visible de la religion musulmane, et sa taille se décline dans toutes les dimensions. L’esthétique de la mosquée en Islam va de la sobriété la plus dépouillée au grand luxe, et elle apparait sous diverses formes, dévoilant ainsi tout le génie créateur de ses concepteurs. L’Islam est riche de la diversité des peuples du monde entier, et la prouesse architecturale s’exprime dans toute sa splendeur dans la conception et l’édification des moquées à travers le temps et l’espace. C’est ainsi que les mosquées de Tombouctou et de Djenné ont un cachet particulier lié au contexte spacio-culturel comparées par exemple à la grande mosquée d’Istanbul, ou à celle de Damas. Les mosquées d’inspiration marocaine sont connues pour leurs belles mosaÏques et autres faïences. Il y a un seul Islam, mais qui n’étouffe guère le génie créateur des peuples, bien au contraire. En Islam, la moquée est le lieu de regroupement par excellence des fidèles, elle en est la colonne vertébrale en terme d’expression du culte en communauté. C’est la « Maison de Dieu », celle dont tout le monde prend soin. Elle est donc plus qu’un lieu de rassemblement pour célébrer les prières canoniques et les hiit (tabaski et korité). Cela en ajoute à la sacralité de cet endroit lourd de symboles dans la relation avec le Seigneur des Mondes. On y pénètre en état de pureté et de recueillement, en ayant à cœur de se présenter en toute humilité devant la Majesté du Créateur. On n’y parle pas de futilités, on ne s’y amuse pas, et les femmes sont strictement séparées des hommes pour éviter des tentations qui pourraient distraire les fidèles, et annuleraient donc les bienfaits attachés à la prière. Car la prière est obéissance à Dieu, recueillement et dialogue intime avec Lui le Seigneur. La mosquée est donc le centre des activités cultuelles communautaires, et régule dans le temps et l’espace les cinq prières quotidiennes. Le temps en terre d’Islam est articulé aux heures prières, et les appels du muezzin émanant de la mosquée sont les marqueurs de ce temps spirituel, ce temps permanent et signifiant axé sur les rotations astrales. Et pour paraphraser une vieille anecdote de Hampâté Bâ, on pourrait dire dans cette perspective que l’Occident a la montre, et les Musulmans ont le temps. 

Les soufis vont plus loin dans la compréhension de la symbolique de la mosquée car ils font de leur cœur la « Maison de Dieu », donc bien au delà des murs de la mosquée. Ils ont la mosquée en eux, dans leur cœur. Ainsi Ibn Arabi disait : « Mon cœur est une Kaaba pour le pèlerin ». La Kaaba est la quintessence la mosquée, elle est la mosquée par excellence, celle vers laquelle toute la Umma islamique se tourne pour accomplir les prières canoniques et surérogatoires. 

Centralité de Masâlik Al Jinân 

Masâlik Al Jinân, ou les Itinéraires du Paradis, tel est le nom donné à ce joyau inspiré du titre de l’œuvre fondamental de Cheikh Ahmadou Bamba qui est une somme de connaissances profondes en sciences religieuses offertes à l’humanité pour l’éternité. Le nom de cette mosquée est donc édifiant à plus d’un titre. D’abord la mosquée, en tant qu’entité d’adoration de Dieu, montre et symbolise la voie, c’est à dire les itinéraires de la rédemption par les actes de prières, la lecture du Coran et celle des Khassidas, qui s’y accomplissent. Ensuite, le Seigneur promet aux fidèles qui le prient dans « Sa Maison » la récompense suprême qui est l’accès à Son Paradis. Ce pur joyau édifié cœur de Dakar, la capitale sénégalaise, est un rappel permanent et une réaffirmation de la centralité des valeurs profondes de la tradition spirituelle islamique. Il invite aussi à une redéfinition d’une nouvelle forme de réappropriation de l’espace dans une grande métropole dite moderne. Masâlik Al Jinân « occupe » l’espace de la spiritualité en même tant qu’il balise un nouveau rapport à la territorialité et aux grands monuments dont il devient désormais le phare et le centre. On se souvient tous que le séjour de Cheikh Ahmadou Bamba à Dakar fut très pénible. Cheikh Moussa Ka nous renseigne sur les dures conditions qui étaient imposées au Cheikh par l’entité coloniale à Dakar : « C’est par une nuit de vendredi qu’il fut introduit dans une chambre obscure. On lui demanda de tâter autour de lui, ce qu’il fit, et ne buta que sur des sabres et des bouts de fer pointus et tranchants. Il se tourna vers l’Est et fit son Takbir, mais il ne 

put se prosterner tant la douleur le tenaillait. Il récita les sourates Baqara et la Famille d’Imran. » Le cheikh lui-même dit dans Jaza’u Shakuur : « quand je me souviens de cette nuit que j’ai passée à Dakar et de cette autorité (le gouverneur), je pense à recourir aux armes mais Dieu me l’interdit ». Dakar fut donc un symbole de la toute puissance de l’autorité coloniale orgueilleuse et violente, le lieu d’une grande injustice faite au Saint Homme, à l’Apôtre de la paix. Le Cheikh endura dans la dignité toutes les souffrances, rendait grâce au Seigneur à tout instant, et ne cessait de faire l’éloge du Meilleur des Hommes, le Prophète Mouhammad (saws). Dieu aime à rappeler dans le Saint Coran qu’Il est avec les endurants. Cette sublime mosquée Masâlik Al Jinân est donc une récompense faite par le Seigneur Tout Miséricordieux à Serigne Touba en cette cité capitale qu’est Dakar. Elle est la plus belle est la plus vaste, mais ne se pose en rivale d’aucune mosquée, bien au contraire car toutes les autres mosquées témoignent d’une présence éclatante de l’Islam et de la grandeur du Seigneur Très-Haut. Masâlik Al Jinân est un couronnement et une lumière inextinguible. Il convient ici de signaler que les capitales du monde entier sont connues pour être des lieux de brassage et de libéralités de toutes sortes, et le vice et la débauche y sont bien présents à des niveaux insoupçonnés, et Dakar n’échappe pas à la règle. Cette grande mosquée, ce joyau est un moyen puissant de lutter contre toutes les dérives sociétales qui sont à l’œuvre à Dakar et alentours. Elle permet un recentrage salutaire, une réaffirmation et un retour salvateur aux valeurs cardinales de la religion, et constitue par sa présence même un rappel constant de ce qui lie l’être humain à son Créateur. Les valeurs de respect, de justice, de probité, d’humilité, de solidarité, etc., bref un retour aux fondements de l’Islam, tout ceci est au cœur de ce projet devenu réalité dans une société confrontée à des soubresauts d’antivaleurs de toutes sortes dans un monde globalisé en perdition. Masâlik Al Jinân constitue un refuge sûr pour quiconque veut s’abreuver aux sources pures de l’Islam, religion de paix, de fraternité, de générosité, religion qui redonne à l’être humain sa dignité et des raisons d’espérer ici-bas et dans l’au-delà. Et le Cheikh lui-même, dans son célèbre khassida Mawâhibu, fait ce vibrant appel pour le salut de l’humanité sans distinction d’aucune sorte :

« Ô Gens des Terres, Ô Gens des Mers, Venez rejoindre l’Océan de Générosité » Masâlik Al Jinân est un signe de cette infinie générosité. Et il convient ici de saluer le travail de tous les Khalifs de Serigne Touba qui ont contribué à l’édification de cette merveille, à savoir les valeureux Serigne Saliou Mbacké, Cheikh Mamadou Lamine Bara Falillou, Cheikh Sidy Moctar Mbacké et tous leurs illustres devanciers. Cette œuvre monumentale a été parachevée sous le khalifat de Cheikh Mountakha Mbacké, un digne représentant de Khadimou Rassoul à la générosité et à la pureté légendaires. Que le Seigneur lui accorde une longue vie et une excellence santé pour qu’il accomplisse tout le travail entamé au service de Serigne Touba. 

Adama DIANE Sociologue 

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