Ses origines
Fils de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie des mourides, Serigne Saliou est né le 22 Septembre 1915 à Diourbel, correspondant au 14 Dhul Qicda 1333 selon l’auteur de « L’Abreuvoir du commensal », Serigne Mouhammadou Lamine Diop Dagana, disciple, biographe et secrétaire particulier de Cheikhoul Khadim.
A sa naissance, Cheikh Ahmadou Bamba écrivit le prénom « Saalih » de sa propre main. D’aucuns rapportent qu’il l’a fait sur le sable quand d’autres disent que le Cheikh l’a écrit sur un papier. Ce prénom – nom commun, verbe et adjectif signifiant pieux, piété, saint, sainteté, bon, bonifié – est celui qu’ira donner Serigne Mouhammadou Lamine Diop au fils de Sokhna Faty Diakhaté.
Sa mère, Sokhna Faty Diakhaté est la fille de Sokhna Dieng Sylla, sœur de Sokhna Faty Sylla, toutes deux filles de Libasse. Son père, Serigne Modou Asta Diakhaté fut Un « Aabid » (adorateur) et un « Taxiiy » (pieux sincère). Il avait comme sacerdoce de ne se nourrir que du fruit de son propre labeur tant il redoutait la consommation de l’illicite.
Sokhna Faty Diakhaté eut d’autres enfants avec Serigne Touba, dont Serigne Abdoul Khoudoss et Sokhna Tahiratou. Elle connaissait le Saint-Coran par cœur tout comme elle avait une parfaite maîtrise des Sciences Islamiques. Ceux qui l’ont connue se souviennent des offrandes (Sadaqa) qu’elle faisait tous les lundi et jeudi sous forme de bouillie accompagnée d’huile de « sump », de son nom scientifique « Balanites Aegyptiaca ». Sokhna Faty Diakhaté avait sous sa responsabilité des dizaines de jeunes filles dont elle assurait l’éducation. Elle était grande de taille, ne s’adressait jamais à un interlocuteur en le fixant du regard. Sa voix était claire et audible. Elle s’asseyait toujours au milieu des filles tantôt en lisant, tantôt en s’adonnant à d’autres tâches.
C’est sous l’aile de cette pieuse créature que Serigne Saliou Mbacké a passé les premières années de son enfance. Il raconte avoir assimilé très tôt une grande partie du Qacida « Bismil Ilaahi Ikfini » tellement il en entendait la récitation. C’était la belle époque de Ndiarème (Diourbel), contrée qui vivait au rythme des recommandations de Cheikh Ahmadou Bamba en droite ligne avec le sens de ce vers : « vivifie les heures de ta vie par les actions facultatives, après avoir accompli les obligations par les jeûnes et les répétitions des noms saints de Dieu, par la méditation, par l’aumône, par les dépenses au profit des nécessiteux, tout cela exclusivement pour l’amour de Dieu, notre Maître. » (« Les Itinéraires du Paradis », vers n°144).
Serigne Saliou raconte que quand il a eu pour la première fois une pièce de 1 franc, il partit voir Serigne Mbacké Diakhaté, son oncle et néanmoins chambellan de Cheikhoul Khadim, qui l’introduisit auprès de celui-ci. Serigne Saliou lui remit ainsi sa première pièce de monnaie en guise de « hadiya » (don pieu). C’est alors que le Cheikh lui demanda : « Sais- tu ce que c’est ? ». Et Serigne Saliou de répondre, du haut de son bas-âge : « c’est 1 franc ».
A la naissance de Serigne Saliou, Serigne Mouhammadou Lamine Diop a composé ces trois vers qui, sans aucun doute, se sont révélés prémonitoires.
« Puisse Dieu, par sa Grâce, donner longue vie à Saalih
L’Eternel qui par lui nous a octroyé Pureté
Que Dieu en fasse un soleil éternel dans le ciel de son époque
Dissipant la face sombre de celle-ci
Que Dieu lui accorde longue vie parachevant ses dons
En bénédictions et en sanctifications bénéfiques. »
Sa formation
C’est en 1921, à l’âge de 6 ans, que Serigne Saliou a été initié au Coran par Serigne Touba lui-même. Le Cheikh le confiera par la suite à son oncle, le grand disciple Serigne Hamsatou Diakhaté. Il a parachevé son apprentissage du Livre Saint sous la direction de Serigne Alassane Diakhaté à Touba.
Il fut initié aux Sciences Islamiques à l’âge de 13 ans à Tindoodi par Serigne Makhtar Dieng « Gouyaar ». Il poursuivit ses études à Touba chez Serigne Habibou Mbacké « imam ». Il se rendra ensuite chez Serigne Abdou Rahmane Diakhaté à Mbackol. Serigne Mor Sassoum Diakhaté, fils du Grand Cadi Madiakhaté Kala, lui a enseigné le Précis de Khalil (Mukhtasaru Khalîl). Il apprendra la géographie et l’astronomie pendant un an et demi sous la direction de Serigne Amir Sow. Avant la fin de l’année 1930, Serigne Saliou avait déjà bouclé ses études.
Il a fait sienne cette recommandation de Cheikhoul Khadim : « il convient de t’évertuer, tout le temps, dans les actions avec la bonne intention.» (« Les Itinéraires du Paradis », vers n°146).
Serigne Saliou, l’agriculteur qui donnait en hadiya toute sa récolte
Serigne Saliou érigera son premier champ à Ndukuman Dieng en 1931. Serigne Mor Ndiaye Mabandji Khoudia Fall fut son premier disciple, suivi de Serigne Makhtar Diaw. La moisson fut belle cette année-là. Il remit toute la récolte d’arachide, de mil et de haricot à Cheikh Moustapha Al-Karim, alors Khalife Général des Mourides. Serigne Modou Sakho se souvient que cette année-là, à la fin de la récolte, Serigne Saliou avait pris deux graines d’arachide, qu’il mit dans sa bouche avant de les cracher aussitôt, estimant qu’il n’avait pas le droit de goûter à une récolte destinée au Khalife Général des Mourides. Le Cheikh mettait un point d’honneur à ne jamais goûter à ses récoltes, si foisonnantes fussent-elles.
Création des premiers centres d’éducation spirituelle (« Daaras »)
En 1932, à l’âge de 17 ans, Serigne Saliou mit sur pied sa première « Daara » à Ndoumbel Kael. Il était entouré de six disciples. Une nuit, alors que Serigne Saliou était en voyage, un lion revenant de l’étang, passa au milieu de la Daara. Quand il revint de ce voyage, Serigne Makhtar Diaw l’en informa. C’est alors qu’il remit toute la récolte de mil et de manioc à Cheikh Moustapha Al-Karim avant de déménager. Dans la foulée, il fonda la Daara de Gott en 1934, mais le centre devenait de plus en plus étroit en raison du nombre croissant des apprenants. 7 ans plus tard, en 1941, il créa le centre de Darou Wahab, puis celui de Keur Cheikh Madiop en 1943. S’ensuivirent les daaras de Fandang en 1944 et de Darou Sanna en 1945. Son fils aîné Serigne Cheikh Saliou est né sur cette terre.
Serigne Saliou, le rénovateur de la tarbiyyah (éducation)
Les premiers compagnons de Serigne Saliou étaient constitués d’adultes, qu’il éduquait par le travail, la culture des terres et les Qaçaids, qu’ils lisaient et déclamaient le soir en application de ces deux vers de Cheikh Ahmadou Bamba: « Quant à la pratique de l’évocation de Dieu, elle est la meilleure action que l’aspirant peut s’évertuer à faire » ; « la mention du nom de Dieu constitue le début de la sainteté » (« Les Itinéraires du Paradis », vers 299 et 304).
C’est Serigne Saliou lui-même qui recopiait les Qaçaids de sa propre main. Les disciples s’exerçaient à leur mémorisation. C’est par la suite que Serigne Saliou Touré les rejoignit en prenant sous sa responsabilité l’école des Sciences Islamiques tandis que Serigne Dame Diané s’occupait de l’enseignement coranique. Serigne Modou Sakho dirigeait les travaux champêtres. A cette époque, Serigne Saliou se déplaçait à dos de cheval, puis en calèche. Il cheminait ainsi avec la détermination de ceux qui savent que le chemin menant à l’agrément de Dieu n’est pas une sinécure. Cheikh Ahmadou Bamba ne déclare-t-il pas : « efforce toi d’accomplir habituellement les dures et bonnes actions avec vigueur et éloigne-toi de la paresse. Conduis-toi de la manière dont tu te serais conduit si tu savais que ta mort est très imminente». (« Les Itinéraires du Paradis », vers 96 et 97).
Les cours du Saint-Coran se déroulaient à Affé Mouride, dans le Saloum avec les disciples de moins de 10 ans. Le maître s’implanta à Baghdad en 1950 et à Kébé en 1951. Ces deux localités sont distantes de moins de trois kilomètres.
La cinquième « Daara » fondée par Serigne Saliou sera celui de Jappandal en 1956. Sa distance avec la maison du Cheikh à Touba est de 30 km. Quatre ans plus tard, la « Daara » de Ndiouroul vit le jour.
Serigne Saliou faisait office de Directeur général des « Daaras ». Il en choisissait les responsables et supervisait les activités agricoles. Il ne s’absentait jamais durant tout l’hivernage. Dès l’aube, il réveillait tous les pensionnaires, dirigeait la prière du matin avant de retrouver les compagnons dans les champs une fois ses « wirds » terminés. Sur ce point, Cheikh Saliou déclarait n’avoir jamais abandonné un « wird » qu’il a commencé. Quand le repas était prêt, on l’en informait et il se chargeait lui-même du service. Il préparait également le café, donnant à chaque responsable sa part.
La visite de Serigne Abdoul Khadre Mbacké
On ne saurait évoquer Ndiouroul sans se souvenir de la visite mémorable de Serigne Abdoul Khadre. A son arrivée, il fut accueilli par Serigne Abo Guèye. Les premiers mots du saint-homme en descendant de la voiture furent : « Baldatunn tayibatunn wa Rabbun Hafuurun » (« Contrée heureuse et Maître Clément », Coran, Sourate 34-verset 15). Serigne Abdoul Khadre demanda à Serigne Abo de prévenir Serigne Saliou. Celui-ci ordonna qu’on enlève la palissade en zinc qui séparait Serigne Abdoul Khadre de sa voiture, de sorte qu’il puisse directement accéder à cette dernière à la fin de sa visite.
Au moment du départ de Serigne Abdoul Khadre, Serigne Saliou demanda à Abo Guèye de réunir tous les disciples afin qu’ils recueillent les prières de l’illustre visiteur. Alors qu’on pensait que tous les pensionnaires du « Daara » étaient réunis, Serigne Saliou décalara : « il en reste encore. Allez donc chercher les autres.» Serigne Abo refit le tour de la « Daara » et réussit à ramener quelques personnes supplémentaires. Et Serigne Saliou d’estimer qu’il en restait encore. Après plusieurs vérifications, une dernière personne sera débusquée. Celle-ci venait juste de mettre ses habits après une douche. C’est quand elle arriva dans l’assemblée que Serigne Saliou fit : « Enfin tout le monde est là. Bismillah ». Serigne Abdoul khadre formula ainsi des prières pour l’ensemble des pensionnaires avant de prendre congé du lieu.
Les « Kourels » de Qaçaids
Un des sacerdoces de Serigne Saliou était la revivification des « kourels de qaçaïds », comme à l’époque de Serigne Touba. Le premier d’entre eux, fondé en 1937, était dirigé par Serigne Modou Sakho, Baye Serigne Tambedou et Serigne Modou Ba.
Serigne Saliou faisait intervenir dans ces fameux « kourels » des ténors comme Serigne Youssou Ndao et Serigne El hadji Cissé dont il enregistrait les déclamations.
Il avait un recueil de 40 Qaçaids que les pensionnaires devaient connaître par cœur. La règle d’or était de n’apprendre ni introduire d’autres Qaçaids dans l’enceinte des Daaras. Le premier Qacida du recueil était le poème de Khadimou Rassoul intitulé « L’attirance des cœurs » (Dieuzbul Quloob) tandis que le dernier de la liste était celui dénommé « La Ilaha Ila Laah Mouhammadour-Rassouloullahi Salla llaahu Ta’aala Aleyhi wa Sallam ». L’exercice consistait en des déclamations en station debout sans support de lecture et nuitamment. Autant dire que le recueil devait être parfaitement mémorisé. Serigne Saliou choisissait personnellement le responsable de chaque « kourel », répartissait les membres du conservatoire selon leur timbre de voix, leur assimilation des textes et leur détermination. En adoptant cette méthode spirituelle, il avait fait sienne cette déclaration de Cheikh Ahmadou Bamba : « Mes écrits font parvenir le disciple jusqu’à l’enceinte scellée de Dieu ».
Au-delà de ce recueil, Serigne Saliou recommandait à l’ensemble des mourides la lecture de panégyriques bien célèbres. C’est le cas notamment du poème « Wakaana Haqqan ». Le maître disait que sa lecture était pourvoyeuse de paix pour tout le pays. Il recommandait également « Hisnul Abraar » pour se protéger des ennemis et « Faridj », qui procure la paix pour le monde entier. Il interdisait en revanche la lecture du « Fulku » préférant l’échanger avec quiconque le souhaitait avec le recueil intitulé « Qur-aa Niya ». Serigne Saliou avait coutume de dire que le « Fulku » est une arme de guerre qui ne doit pas être sorti en temps normal. Il en était tellement convaincu qu’il demandait à quiconque ayant lu « Fulku » de ne pas l’associer à ses prières.
Quant à lui, il lisait énormément de panégyriques. On se rappelle de son assiduité dans la lecture du poème « Nuuru Daarayni » (La Lumière des deux Mondes). Il conseillait la division du panégyrique « Muqaddimatul Xidma » en sept parties et la répartition de sa lecture sur les sept jours de la semaine. Quant au « wird », il ne le donnait à un disciple que sur demande expresse.
Serigne Saliou et la « Tarbiyyah »
« La tarbiyyah est ma spécialité », disait-il et d’ajouter : « toute autre tâche à laquelle je me consacre est une œuvre surérogatoire, car ma véritable mission est d’éduquer les disciples. Serigne Touba m’a transmis le secret de la tarbiyyah». Serigne Sonhibou Mbacké avait coutume de dire : « les disciples qui sortiront de mon école seront de parfaits imams. En revanche, ceux qui seront formés à l’école de Serigne Saliou seront non seulement de parfaits imams mais également de véritables chefs. »
Il arrivait à Serigne Saliou de réunir tous les pensionnaires d’une « Daara » pour discuter avec eux de tel ou tel sujet sur la base d’une belle exhortation. Il tenait le même discours aussi bien à l’adulte qu’à l’enfant, car, disait-il : « l’enfant d’aujourd’hui sera l’adulte de demain ». Son amour pour les enfants, et pour les êtres humains de manière générale, était incommensurable. Comme l’a observé le professeur de philosophie Souleymane Bachir Diagne : « Serigne Saliou transpirait la bienveillance. » Une bienveillance aussi bien pour le savant que pour l’ignorant, le pauvre comme le riche, l’enfant comme l’adulte.
Serigne Saliou ne levait jamais le plus petit doigt sur un enfant. Les enseignants ou encadrants qu’il avait choisis devaient s’astreindre à la même règle. Il avait coutume de dire que l’enseignement est assimilable au Jihad ; « frapper équivaut à une désertion ». Il répétait sans cesse que le châtiment corporel ne permet qu’un résultat ponctuel. En effet, l’enfant qui obéit parce qu’il a peur, déviera dès qu’il ne verra plus son bourreau. Et de poursuivre qu’à force de frapper un être humain, on en fait un ennemi contre soi. Or nul ne saurait être attentif aux instructions d’un ennemi. Telle était la base philosophique du système éducatif de Serigne Saliou, qui déclarait souvent : « Ayez de l’amour envers les enfants. Ils vous le rendront au quintuple ». Par sa seule présence, Serigne Saliou transmettait des effluves de lumière à tout son entourage.
Un disciple mouride raconte qu’à ses débuts, il était incorrigible. Il partit alors à la rencontre d’un Cheikh pour lui faire allégeance. Le Cheikh lui lista un certain nombre d’interdits. Et le disciple de répondre : « Il m’est impossible d’observer une telle rigueur. » C’est lors qu’il prit la décision de faire allégeance à Serigne Saliou. Celui-ci ne lui lista aucun interdit. Le disciple témoignera du fait que le contact quotidien avec le Cheikh finira par l’écarter de tous les interdits.
Cet épisode rappelle celui de l’ancien ambassadeur de France au Sénégal, Jean-Christophe Ruffin. Il raconte que depuis sa visite à Serigne Saliou, il n’a plus repris une seule goutte d’alcool. Et le diplomate de reconnaître qu’il ne s’explique pas une telle prouesse. Cela confirme les dires de Serigne Saliou selon lesquels, il détenait le secret de la « tarbiyyah ». Mieux, ceux qui ont fréquenté ses « Daaras » en sont ressortis auréolés de cette lumière divine, qui pousse les humains à se ruer, tels des papillons, vers eux.
Serigne Saliou, Chef de la Communauté Islamique
A 75 ans, l’âge où on devient grabataire, alité ou sans utilité pour la société, Serigne Saliou devenait le Khalife Général des Mourides. Il demanda aussitôt qu’on lui donne les enfants afin qu’il les éduque de la même manière que Serigne Touba s’y attelait. En tant que khalife, il s’employa à parachever les travaux initiés par Cheikh Abdoul Ahad. Il exigea ensuite de tous les disciples et habitants de Touba de consentir plus d’égards pour la ville et pour Serigne Touba. Il réaffirma sa volonté d’interdire tout ce que l’Islam désapprouve. Il insista sur la séparation des hommes et des femmes dans certains espaces. Dans le domaine de l’assainissement de la ville, il débloqua 300 millions de francs CFA. Il s’attela à l’agrandissement de la mosquée ainsi qu’au renouvellement du système l’éclairage. Il acquit les meilleurs marbres de carrare pour le dallage de l’esplanade de la grande mosquée de Touba. Il trouvera ensuite les meilleurs experts pour réfectionner le mausolée de Serigne Touba. Il poursuivit les travaux de l’Université, que Cheikh Abdoul Ahad avait entamés en y injectant 700 millions. Serigne Saliou projeta la construction de 28 Résidences Cheikhoul Khadim à Touba. Chacune d’elle serait dotée d’une mosquée et de grands espaces à vivre. L’extension du réseau électrique de la ville sainte ainsi que la nouvelle sonorisation de la mosquée figurent sur la longue liste de ses œuvres. Il conçoit l’hôpital Matlabul Fawzeyni, offre le terrain pour son édification et en trace les contours. Il sera également le premier à donner sa participation financière pour son édification.
Le Dahira des petis-fils de Serigne Touba dénommé « Safinatul Amaan », dirigé par Serigne Modou Lô Ngabou, dont l’objectif est de préserver la ville de Touba et ses habitants de tous les actes non agréés par l’Islam, reçoit son onction. Le Dahira « Muqaddimatul Qidma », dont la mission est de s’occuper de la grande mosquée de Touba (culte et nettoyage) et de tous les services religieux afférant à la ville sainte naquit avec la bénédiction de Serigne Saliou. La maison de Sokhna Astou Gawane est réfectionnée. L’association des écoles coraniques de Touba voit également le jour avec les encouragements et les prières du saint-homme. Quand les enseignants coraniques se sentaient menacés dans leur mission au point de vouloir organiser des marches de protestation, Serigne Saliou les en dissuadait en leur recommandant d’utiliser la meilleure arme pour un musulman : la prière au Seigneur. Avec la même énergie, il interdisait toute innovation blâmable et/ou non codifiée par les anciens en Islam.
Serigne Saliou n’en oublie pas pour autant les « affaires de la cité ». C’est ainsi qu’il entama la construction des marchés Mame Asta Walo, de Ngiraneen, de Jannatul Ma’waa et de Umul Quraa, de même qu’un grand commissariat de police. Il injecta en outre des centaines de millions dans la mise sur pied d’un abattoir sur la route de Keur Kàbb.
En 1998, il confia la gestion de la Communauté rurale à son disciple des premières heures Cheikh Béthio Thioune, Administrateur civil de classe exceptionnelle à la retraite. Alors que les commerçants se liguèrent pour ne pas payer les patentes à la Communauté rurale, Serigne Saliou recommanda aux différents acteurs de la ville d’utiliser la méthode des concertations régulières. Il enjoignit par la même occasion aux autorités de ne s’employer qu’à des actions d’intérêt public s’appuyant entièrement sur les principes islamiques.
En 2003, Serigne Saliou porta Serigne Makhtar Diakhaté à la tête de la Communauté rurale, en demandant que son nom figure en tête de la liste des dirigeants de la structure. Le chef spirituel assumait ainsi son rôle de chef temporel de la communauté.
Serigne Saliou, l’urbaniste
En parfait visionnaire, Serigne Saliou s’employa à la délimitation des anciens quartiers, à la création de nouveaux espaces d’habitation et à leur aménagement. C’est ainsi qu’il créa le quartier Khayra 2 qu’il baptisa « Touba Ndiarème ». Il délimita les quartiers de Darou Tanzil, de Madiyana, de Surah et de Touba Mosquée. Dans la foulée, virent le jour, Touba Sonatel, Umul Xuraa et Jannatul Ma’waa. Sous son magistère, la ville sainte s’est agrandie de 12 kilomètres de chaque côté. C’est à lui que l’on doit le nouveau titre foncier de Touba. Il viabilisera des espaces entiers afin que chaque personne qui le souhaite puisse avoir un toit à Touba ; la seule condition posée au propriétaire d’un terrain étant sa valorisation ou une habitation effective. La vente de terrains nus était totalement interdite. Nous nous surprenons à rêver du jour où nos responsables politiques s’inspireront de ce mode de gestion du foncier national.
Le nombre de mosquées que Serigne Saliou a construites se compte par dizaines. Nous pouvons citer pêle-mêle la mosquée de Madiyana 4 et 5, celle de Ngelemu, celle de Ndaamaatu, celle du marché Mame Asta Walo, celle de Daaru Tanziil, celle d’Al-Azhar de Serigne Thierno Bousso ou encore celle de Sannussi. Il convient d’ajouter à cette liste non exhaustive, toutes les mosquées qu’il a entreprises et terminées à travers le Sénégal. Serigne Saliou était si enclin à l’édification de lieux de culte musulmans qu’il suffisait de lui présenter un plan pour qu’il assume le financement de la bâtisse. Une fois les premiers travaux bouclés, une photographie en attestant suffisait pour que le saint-homme octroie les fonds pour la finition. A n’en pas douter, il était l’émir des croyants. A propos de l’Islam en général, il avait coutume de dire : « c’est le champ de mon père. Celui qui s’y active ne fait que m’aider »
Serigne Abdoul Aziz Sy l’a une fois rendu visite à Gott. A l’heure de la prière de Zohr (tisbaar en wolof), Serigne Saliou lui demanda de diriger l’office et prononça le « Iqaamat ».
Lors de la prière de Asr (takusaan en wolof), Serigne Saliou dirigea et Elhadji Abdoul Aziz de prononcer à son tour le « Iqaamat ». Quel bel exemple de fraternité islamique ! En fait, Serigne Saliou se sentait responsable de toute la Oumma islamique. Il recevait des doléances de toutes les familles ou entités religieuses du pays et les satisfaisait toutes. L’une des preuves en est que lors de la nuit du Mawlid, il envoyait à chaque famille religieuse la célébrant de l’argent et des victuailles à la hauteur de l’événement et en toute discrétion.
Un chef religieux lui dira un jour : « Mbacké, tu m’as oublié pour cette fête de Tabaski (Aid El Kébir). » Serigne Saliou demanda qu’on charge la voiture de ce chef religieux de tout ce qui restait dans la maison comme parfums, tissus et chaussures. Serigne Saliou accompagna ce don de quelques millions de nos francs. Un autre chef religieux vint lui annoncer son intention d’effectuer un voyage en Gambie. Il lui remit 30 millions et il annula son voyage.
Des musulmans composés de Maliens, de Camerounais et de Sénégalais habitant la région parisienne sont venus un jour le solliciter pour l’achat d’une mosquée. Il leur remit 300 millions de francs CFA pour l’acquisition d’une propriété. Il s’agit de l’actuel Centre Islamique de Taverny.
Serigne Saliou et les politiques
L’homme ne demandait aucun service à un responsable politique, car disait-il : « si ces gens t’octroient quelque privilège, c’est pour saper une autre partie de ta religion.» Il disait également : « la main de l’Etat ne distribue que l’argent public. Or je suis le représentant de toute une communauté. Dès lors, tout ce qui est susceptible d’être fait pour améliorer le quotidien de cette communauté est le bienvenu. Quant à moi, je n’ai aucun besoin personnel à soumettre à un homme politique. »
A l’approche du premier Magal de Serigne Saliou en tant que khalife, le Président Abdou Diouf envoya le ministre Madieng Khary Dieng portant une enveloppe de 15 millions. Serigne Saliou rappela à cet émissaire que sa position n’avait guère évolué s’agissant de l’argent public. Il ajouta que si le Président entend poser des actes pour l’intérêt général, ceux-ci sont les bienvenus et qu’il n’avait aucun besoin personnel à lui soumettre. En tant que disciple mouride, Madieng Khary Dieng le supplia de garder la somme, car il serait gênant pour lui de la retourner au Président. Serigne Saliou lui répondit : « gardez l’argent pour moi ; je vous indiquerai à qui le remettre. » C’est au cours de la même année que se produisit l’explosion de l’ammoniaque à l’usine de la SONACOS faisant plusieurs victimes. Serigne Saliou ordonna au ministre de remettre les 15 millions aux accidentés et à leurs familles.
Des personnalités politiques ou anciens ministres venaient souvent le solliciter pour des interventions dans tel ou tel dossier, mais il répondait toujours : « j’éprouve une grande gêne de soumettre mes besoins à un autre que Serigne Touba ». C’est ainsi qu’au ministre du développement rural Amadou Bator Diop, que le Président Abdou Diouf avait limogé il dira : « en lieu et place d’une intervention, je demanderai à Dieu de te mettre à l’abri du besoin et cela à jamais.»
La position de Serigne Saliou sur la politique
Lors des élections législatives de 1998, il a tenu à faire quelques précisions en déclarant : « la vie ici-bas ne relève pas de mon champ d’action. Il n’en demeure pas moins que je la connais très bien ». (En wolof : « Adina boole wuma ko si samap ligeey ! Xam naako bu baax nak ! »). Il ajouta : « je prie pour tout candidat dont l’ambition est de faire rayonner l’Islam et la paix dans le pays ».
Avant les élections de 2000, une délégation française lui rendit visite pour l’interroger sur son candidat favori afin que la France se range derrière celui-ci. Telle a été sa réponse : « je ne souhaite qu’une chose, que les élections soient transparentes et apaisées. Le choix de la majorité des Sénégalais sera le mien ». Quel diplomate et homme d’Etat de classe exceptionnelle !
La générosité de Serigne Saliou à l’endroit des nouveaux habitants de Touba (sancaans yi)
A Touba, des habitants de villages entiers venaient s’implanter, quittant leurs anciens terroirs dans le Baol ou le Cayor pour fuir la pauvreté. Ces nouveaux arrivants vivent souvent une situation très précaire, car leurs « affaires » dans la nouvelle cité peinent généralement à démarrer véritablement. Serigne Saliou distribuait à ces familles, en toute discrétion, des tonnes de riz et de mil. L’opération s’effectuait nuitamment avec les propres camions du saint-homme, qu’il avait confiés au Dahira Hizbut Tarqiyah. Les destinataires de ces vivres ignoraient qu’ils provenaient de Serigne Saliou. Certains se levaient le matin et trouvaient un sac de riz et un sac de mil devant leurs portes. De plus, à une fréquence mensuelle ou bimensuelle, Serigne Saliou sacrifiait des bœufs pour leur distribuer la viande.
Un jour, il réunit une quantité importante de zincs et de tôles provenant de ses différentes Daaras et propriétés. A la tombée de la nuit, il ordonna qu’on aille les déposer par camions chez les nouveaux habitants indigents de la ville de Touba. Ces habitants venaient récupérer ce dont ils avaient strictement besoin pensant qu’ils volaient ces biens à un inconnu. Ils ignoraient que tout ce matériel leur avait été gracieusement offert par Serigne Saliou.
Connaissant l’attachement des peuls au bétail, il leur donnait souvent des vaches en leur faisant croire qu’il les leur confiait alors qu’en réalité il s’agissait d’un don de sa part. En procédant ainsi, Serigne Saliou entendait s’assurer que les bénéficiaires prendraient bien soin du bétail.
Sa générosité à l’endroit des jeunes entrepreneurs
A un jeune qui lui demandait de l’aider afin de monter une entreprise, Serigne Saliou donna 35 millions sous forme de prêt. L’année suivante, le jeune homme revint tout fier pour rembourser la somme et lui faire part de toutes les activités qu’il avait pu mener à bien grâce aux fonds. Serigne Saliou, tout content, lui apprit : « ce n’était pas un prêt mais un don. Je voulais juste t’éviter la dilapidation des fonds. »
Dans le même registre, nous pouvons citer le cas de compatriote Cheikh Amar. C’est Serigne Saliou qui a remis à ce jeune entrepreneur, plein d’ambition mais sans grands moyens, un milliard de nos francs pour équiper ses exploitations agricoles de tracteurs. Il est devenu, grâce à Serigne Saliou, un des chefs d’entreprise les plus puissants de notre pays.
Les us et coutumes de Serigne Saliou
Il avait coutume de préparer un thé léger le matin et le soir. Dans son café, il ne rajoutait pas de « jarr » (ou piment de Guinée.) Il le servait très chaud et le buvait dans des tasses en porcelaine. Quand le repas était prêt, il s’occupait lui-même de sa répartition. Il avait coutume de dire que donner le repas à des personnes qui ont laissé de quoi manger chez eux et en priver ceux qui sont dans la maison n’est ni une bonne coutume ni un acte d’adoration de Dieu.
Serigne Saliou n’aimait pas que le riz ou le couscous soient servis secs. S’agissant du couscous, il exigeait toujours qu’il soit bien arrosé d’eau chaude. Il avait l’habitude de s’asseoir sur des lits de campagne, sur un hamac ou à même le sol. Il se reposait parfois en se couchant sur son flanc droit ou son flanc gauche. Le timbre de sa voix ressemblait à celui de Serigne Touba. Quand il s’exprimait, cette voix résonnait audiblement. Il répétait souvent trois fois ses propos. Les contemporains de Serigne Touba témoignaient du fait que de tous les fils du Cheikh, Serigne Saliou avait le visage le plus ressemblant à celui de son père.
Ses nobles caractères
Son corps subissait l’assaut de douleurs atroces, qu’il supportait sans broncher. Il disait : « si on divisait la douleur de mon rhumatisme en dix parties et qu’on en répartissait une seule partie sur vous autres, vous fondriez comme neige au soleil », tant cette douleur était intense. Serigne Saliou ne se plaignait jamais, faisant sienne ce vers de Khadimou Rassoul dans son poème les « Bienfaits du Seigneur Bienfaisant » (Mawaahibu Naafi’) : « Tu as abonni mon état spirituel sans pérégrination. Guide ma famille, par moi, sans plainte. » (vers 13)
Sa fidélité est illustrée par le fait que s’il devait se déplacer et que son chauffeur Gora Dièye tombait malade, Serigne Saliou préférait toujours attendre qu’il se rétablît. Jamais il ne cherchait un autre chauffeur. Ironie du sort c’est ce même chauffeur qui le conduira vers sa dernière demeure.
Serigne Saliou faisait montre d’un grand respect envers ses disciples. On rapporte que s’il arrivait à l’improviste dans une « Daara » et que le responsable était momentanément absent, il préférait l’attendre patiemment plutôt que de demander aux pensionnaires d’aller le prévenir. Cela, même si le responsable en question détenait par devers lui les clés de la chambre de Serigne Saliou. Un jour, l’un des disciples qui gardait sa clé s’était absenté. Un de ses condisciples apprit au Cheikh que d’ordinaire, la personne mettait la clé dans la poche de son boubou. Alors que celui-ci était accroché devant eux, Serigne Saliou interdit au disciple toute fouille dans la poche de son camarade absent. « Attendons qu’il revienne ! », ordonna-t-il.
Serigne Saliou et son amour incommensurable pour Serigne Touba
A chaque fois que Serigne Saliou trouvait dans ses affaires une relique, un objet ou un papier qui appartenait à Serigne Touba, son « haal » – état spirituel – se hissait encore plus haut. On ne compte pas le nombre de fois où il est resté devant une malle contenant des affaires de Serigne Touba en fondant littéralement en larmes.
Il traduisait cet amour pour Serigne Touba dans tout ce qui touchait ou lui rappelait ce dernier. Nous savons que pendant un certain temps, Serigne Saliou ne buvait plus de café, car cette boisson lui causait des désagréments.
Un jour, Sokhna Astou Gawane, 1ère fille de Cheikh Ahmadou Bamba, lui envoya un thermos rempli de café. Pris d’embarras, Serigne Saliou se dit subitement : « comment puis-je refuser de boire ce café qui m’a été envoyé par la fille de mon maître ? » C’est alors qu’il en but modérément, dans une petite tasse. Il décida finalement de le consommer, mais de manière parcimonieuse et lente. Manque de chance, Sokhna Astou Gawane lui adressa de nouveau un deuxième thermos de café en lui demandant de lui rendre le premier. Miraculeusement, après avoir bu tout le café, Serigne Saliou ne ressentait aucun effet indésirable comme auparavant. Mieux, ces mêmes effets indésirables l’assaillent désormais s’il ne boit pas du café.
Toujours pour illustrer cet amour pour Khadimou Rassoul, il nous plait de relater une autre anecdote qui concernait cette fois-ci Sokhna Faty Dia Mbacké, fille aînée de Serigne Touba. Sa case avait été endommagée par une tornade. Aussitôt, il demanda à un de ses disciples d’aller en informer Serigne Saliou. Ce jour-là celui-ci était assis sous le caïlcédrat à l’entrée de sa maison recevant les disciples et visiteurs du jour. Dès que le messager lui transmit l’information, il se leva brusquement et ordonna aux disciples de prendre immédiatement sa case personnelle et d’aller l’implanter dans la maison de sa grande sœur.
Serigne Saliou appréciait particulièrement la compagnie des grands disciples qui avaient vécu du temps de Serigne Touba à l’image de Serigne Youssou Ndao, Serigne Cheikh Fat Tacko Diop, Serigne Thierno C. DIOUF Lambaye, Serigne Bassirou Sarr et Serigne Moustapha Sy. Il les ramenait souvent dans ses centres d’éducation afin que les disciples s’inspirent de leur caractère.
Khelcom : le parachèvement d’une vision
Khelcom était une forêt de 46 000 hectares que Serigne Saliou a demandée en son temps à l’Etat du Sénégal pour y implanter des domaines agricoles tels qu’on n’en a jamais connus au pays. Serigne Moustapha Diaw, dont le père est un des premiers disciples et compagnons de Serigne Saliou, se rappelle des deux papiers blancs avec l’en-tête de Serigne Saliou et sa signature tout en bas que ce dernier lui remit afin qu’il aille effectuer la demande auprès du gouverneur à l’époque Souleymane Wilane. Quand ce dernier reçut Serigne Moustapha Diaw, celui-ci se présenta et lui indiqua qu’il était missionné par Serigne Saliou qui nourrissait le vœu d’exploiter la forêt de Khelcom. Le gouverneur lui répondit : « c’est très simple. Je rédigerai la demande. Il aura juste à signer. ». Serigne Moustapha Diaw lui tendit un premier papier à en-tête en précisant qu’il lui avait été remis par Serigne Saliou. Le gouverneur commença à rédiger la demande sur l’imprimé. C’est alors que Serigne Moustapha Diaw entendit le nom de « Khelcom Diaaga ». Il rectifia le gouverneur en précisant : « il ne s’agit pas de de Khelcom Diaaga, mais de Khelcom Ndiaye Lébou, la forêt classée. » Le gouverneur voulut recommencer sur une autre feuille normale. Et Serigne Moustapha Diaw de sortir le deuxième imprimé que Serigne Saliou lui avait remis avec son en-tête et la signature en bas. Le Président Abdou Diouf qui, pour la première fois, voyait Serigne Saliou lui demander un service, donna immédiatement son accord. C’était en 1991. Le président lui promit par ailleurs deux forages pour l’accompagner dans cette entreprise unique en son genre. En réalité, seul un forage sera installé par l’Etat. Le deuxième le sera par erreur à Mbege. Serigne Saliou l’offrit alors aux habitants de cette localité.
Le saint-homme conçut tout seul le plan d’occupation des sols de Khelcom. La communauté mouride se mobilisa pour viabiliser techniquement et humainement cette forêt classée. Chacun des khalifes des fils de Serigne Touba partit, avec ses disciples, à l’assaut d’une parcelle à Khelcom. Les campagnes durèrent 15 jours pour les besoins du défrichage la forêt et du débroussaillage. Des espaces champêtres furent ainsi aménagés. Serigne Saliou y implanta 15 Daaras, dont certaines sont distantes de 20 kilomètres. Chaque Daara comptait en moyenne 300 pensionnaires et 12 enseignants-encadrants. La superficie de chaque Daara était de 5 kilomètres carrés. Chacun de ces lieux comptait jusqu’à 34 chambres en plus d’une mosquée et d’une grande case ouverte.
Les Cheikhs comme Serigne Thierno Diop, Serigne Abdou Samad Diop, Serigne Cheikh Mariemou Ndiaye et Serigne Thierno Diouf se sont occupés de certaines constructions et de l’équipement de nombre d’édifices. Tout le reste était à la charge de Serigne Modou Fallilou Fall, dit Serigne Modou Aminta, alors khalife général des Baye Fall.
Serigne Saliou baptisera les Daaras : Jannatul Ma’waa, Daaru Tanzil, Tuuba Belel, Daaru Muhti, Ndindi, Daaru Salaam, Husnul Ma’aab, Daaru Minan, Ummul Xuraa, Haalimul Xabiir, Tayba. Des travaux dignes d’un Etat furent exécutés pour l’approvisionnement en eau de tout Khelcom. Serigne Saliou finança tous ces ouvrages sur fonds propres.
L’approvisionnement en électricité devint également effectif. L’agriculture se mécanise avec l’acquisition de dizaines de tracteurs.
Les Mourides répondirent massivement à l’appel de Serigne Saliou. A Khelcom et ailleurs des milliers d’enfants étaient nourris, logés et blanchis sur les propres fonds du Cheikh. Cette entreprise unique en son genre dans le monde se poursuit de plus belle, même après le rappel à Dieu de Serigne Saliou.
Fin de mission ou les adieux du Maître
Serigne Saliou effectua sa dernière tournée générale en 2004. Il réunit alors l’ensemble des responsables de Daaras, les encouragea à persévérer dans la quête de l’agrément divin. « Sachez, leur disait-il, que je ne tâtonne pas. Je connais le chemin et jamais je ne vous induirai en erreur ».
Il réunit ensuite les anciens responsables ayant déjà fondé un foyer en les remerciant avec insistance. A Certains, il offrit des moulins et à d’autres des terrains et des ravitaillements pouvant couvrir au moins une année. A la fin de l’année 2005, début 2006, il réunit dix milliards pour bitumer et assainir toutes les avenues, axes, rues et ruelles de Touba. Il acquit des centaines de tracteurs et mit à la retraite les derniers animaux qui cultivaient dans les champs.
Le 25 du mois de Dhul Qicda, il ordonna la lecture du Coran dans la grande mosquée et ses environnants toute une journée durant. Il demanda aux lecteurs du Livre Saint ce jour-là de prier Dieu pour qu’il obtienne l’agrément de Serigne Touba. Et en même temps que les nouveaux travaux se réalisent avec succès. Le mardi suivant, il reçut Serigne Moustapha Saliou, son fils, et le mercredi son fils aîné Serigne Cheikh. Le jeudi soir, il fit rassembler un Kourel de Qacida. Ce même soir (la nuit du vendredi), il s’est entretenu avec Serigne Modou Gaye avant que ce dernier rentre chez lui. Il demanda à ce que l’on serve le dîner à Serigne Moustapha Diaw, ce disciple et compagnon de longue date. Dès l’aube, Serigne Saliou envoya Taïba Seck, son chambellan, pour qu’il lui rapporte des objets appartenant à Serigne Touba. Il s’en imprégna en guise de « barkelou ». Il porta ses habits pour la prière du matin. Après l’appel du muezzin, il sacrifia à l’office et s’activa ensuite dans les oraisons matinales (ou « wirds »). C’est pendant ces moments d’intenses prières que son âme s’éleva au Ciel. Taïba Seck remarquant que les perles du chapelet n’avançaient plus, alla chercher Serigne Moustapha Diaw, qui constata la fin de mission du maître Saliou, le dernier fils de Serigne Touba qui éclairait encore notre monde. Serigne Saliou laissa toute une communauté, toute une nation orpheline. Devenu khalife un certain vendredi 18 mai 1990, il nous a quitté un vendredi 28 décembre 2007 à l’âge de 92 ans. Le ciel pleure « Assaalih », le soleil de son époque rayonnant sa vie durant de mille lumières et surtout pendant les 17 années de son khalifat. Le serviteur du Coran est parti. Entre 1993, date de la création de Khelcom, et 2007, plus de 3882 exemplaires du Saint-Coran furent écrits par les disciples (à Khelcom).
« Tu es certes d’une vertu éminente » (Coran, Sourate 68 – verset 4)
Serigne Saliou était grand de taille, avait une belle peau noire. Il portait souvent un bonnet carré blanc ou restait tête nue. Il mettait toujours des boubous « trois pièces », très longs et amples, mais dont la broderie était toujours discrète. Ses couleurs favoris étaient le blanc et le bleu. Il ne regardait jamais quelqu’un droit dans les yeux. « Invite les croyants à baisser pudiquement une partie de leurs regards » (Coran, Sourate 24 – verset 30). Il répétait souvent ses propos. Il marchait doucement, traînant les pieds. « Sois modeste dans ta démarche ! Baisse la voix quand tu parles » (Coran, Sourate 31 – verset 19). Il vivifiait les nuits par des prières, répartissait le texte du Coran sur deux rakkas. A la fin de sa prière, il aimait réciter le verset suivant : « ceux dont les flancs s’arrachent à leurs lits pour prier leur Seigneur avec crainte et espoir ». (Coran, Sourate 32 – verset 16). A l’intérieur de la ville de Touba, l’un des quartiers créés par Serigne Saliou s’appelle Jannatul Ma’waa, Paradis du refuge. Le Coran nous rappelle : « c’est ainsi que ceux qui croient et pratiquent le bien seront accueillis au Paradis du refuge en récompense de leurs œuvres ». (Coran, Sourate 32 – verset 19).
Serigne Modou Mamoune NDIAYE