Sa Naissance

Elle correspond à la fondation de Touba, soit 1888.  « J’avais demandé à ma mère la date de ma naissance.  Elle m’apprit que c’était un vendredi correspondant à un jour qu’il est conseillé de jeûner.  C’était pendant le mois de Rajab (Ndeyi Koor). » Cheikh Mouhammadoul Moustapha, le premier khalife est son frère aîné de 6 mois et 17 jours. Il est donc né le 27 du mois de Rajab à Darou Salam, correspondant à la nuit du Voyage nocturne (Al Isra’a) et de l’Ascension (Al Mi’raaj) du Prophète Mouhammad (Paix et Bénédictions sur Lui). L’anniversaire de Serigne Mouhammadoul Faadel, deuxième khalife, correspond à la nuit pendant laquelle la prière, deuxième pilier de l’Islam et fondement de la religion, fut instituée. Est-ce un hasard si Cheikh Mouhammadoul Faadel est celui qui achèvera les travaux de la Grande mosquée de Touba, la plus grande bâtisse édifiée à la gloire du Seigneur en Afrique subsaharienne ?

Mouhammad ibn Mouhammad ibn Habibullah, l’esclave de Dieu, Khadimou Rassoul, le Cheikh Serviteur Privilégié du Prophète, Fondateur de la voie soufie sunnite Al Mouridiyya  est son père. La naissance de Cheikh Mouhammadoul Faadel l’a trouvé à Touba, fraîchement fondée. C’est Serigne Abdou Rahman Lô, (Dieu soit satisfait de lui), un de ses grands disciples, qui est venu lui annoncer la nouvelle. Le Cheikh Serviteur du Prophète (PBL) lui choisit le nom de Mouhammadoul Faadel. Dès le retour de l’émissaire, Serigne Mbousobé BOUSSO, le saint dévot se chargea de baptiser son petit-fils. 

 Sokhna Awa BOUSSO, Mère Des Mourides 

Sa mère est la dévote et pieuse Sokhna Awa Bousso, mère des mourides. Elle est la fille de Serigne Mboussobé, oncle du Cheikh Serviteur. L’histoire retiendra qu’il avait demandé à Dieu ceci : « Fasse que tous mes enfants, garçons ou filles, soient des saints (Awliyaa). C’est seulement si tu m’accordes cette grâce que je fonderai un foyer ». Serigne Mboussobé est le fils  de Mabousso Awa Mbaye, (ce dernier est le père de la vénérée Jaaratoulaah Mariama Bousso, mère de Cheikh Ahmadou Bamba) fils de Matabara, (Mouhammad Fathan) fils de Hammaad, fils de Ali Bousso, fils de Ousmane, fils de Ibrahima, fils de Ismaila, fils de Zakariya, fils de Ismaïla, fils de Souleymane, fils de Al Azane, fils de Ibrahima, fils de Abdoulahi, fils de Arona, fils de Mohamed, fils de Abdoul Fatah fils de Mohamed, fils de Alioune Bakry, fils de Mohamed, fils de Abubakr, fils de Alioune, fils de Mohamed, fils de Alioune, fils de Azane, fils de Mohamed, fils de Abdou Khadre fils de Moussa, fils de Yahya, fils de Sahidine, fils de Daouda fils de Moussa Djavanihou fils de Abdoulahi Mahdi, fils de Seydina Assane fils de Seydatouna Fatima bint Rassoul (RA). 

Sokhna Awa Bousso est aussi la mère de Serigne Affé Niang, père du patriarche Serigne Modou Mahmoud Niang (Hafizahulaah), de Sokhna Mariama Kounta Mbacké et de Sokhna Faty Mbacké. Elle était une femme instruite et pieuse, généreuse et serviable. Quand le Cheikh finit d’écrire le Qacida Muqaddimatul Qidma, la lumière fut tellement puissante qu’il tomba malade. C’était à Touba. Dieu inspira au Cheikh les vers du poème Matlabush-Shifaa-i (La recherche du remède). Mais il était tellement faible qu’il ne pouvait pas écrire. C’est alors qu’il fit appel à Sokhna Awa BOUSSO pour lui dicter les vers du  poème pendant que son corps ployait sous la douleur.

Sokhna Awa Bousso a allaité Serigne Bara Mbacké, car la mère de celui-ci – Sokhna Aminata LO – avait rejoint son Seigneur alors que son fils n’était âgé que de quelques mois. Elle en a fait de même pour Serigne Modou Mamoune, fils aîné de Mame Cheikh Anta, car sa mère Sokhna Boury Mbacké avait perdu la vie en lui donnant la vie. Le Cheikh demandera à Sokhna Awa Bouso de s’occuper du nouveau-né en lui remettant par la même occasion une brebis pour compléter le lait. Elle s’était résolument engagée au service du Cheikh. « J’ai accompli toute tâche relevant de mon statut d’épouse. Je veux prétendre à ce à quoi les hommes aspirent auprès de vous. Accorde-moi cette faveur », avait-elle déclaré. Le Cheikh accepta sa requête. Elle disait à son petit-fils Serigne Makhtar Marema Sylla : « Jusqu’au jour où je rejoindrai ton grand-père, le Cheikh, j’ai la ferme intention de servir le laax (bouillie faite avec la farine de mil) aux lecteurs du Coran tous les vendredis et les lundis jusqu’à la fin de ma vie ». Elle lui avait également confié que le Cheikh lui a dit un jour : « tu as obtenu mon agrément ». Elle insista en disant : « J’accepte volontiers de partager le fruit de mon travail avec tous les mourides, du premier jusqu’au dernier, car c’est pour eux que je l’ai accompli. Ce sont tous mes fils ». C’est pour cette raison que Sokhna Awa Bousso mérite amplement l’appellation de « mère des mourides ». Elle disparut un samedi de 1938  après avoir servi le laax (bouillie de mil) aux lecteurs du Saint-Coran et préparé la farine de mil, le lait caillé, le sucre et l’huile de palme pour le lundi suivant.

Cheikh Fadilou Porte Le Nom Du Prophète Mouhammad (PBL)

C’est le Prophète Mouhammad (Paix et Bénédictions sur Lui), son homonyme qui lui a transmis ses nobles caractères. À Sa naissance, le Cheikh était en train d’écrire le panégyrique de prières sur le Prophète Mouhammad (PBL) intitulé « Mafaatihal Bishri Wal Amni Wal Jannah Fii çalaati Wa Tasliimi A’laa Muqiimis-Sunnah (Les clés de la Satisfaction, de la sécurité et du Paradis par les prières et bénédictions sur celui qui détient la Sunnah). Quand on lui annonça la naissance de Cheikh Mouhammadoul  Faadel, il composa douze vers que l’on retrouve dans cette ode de prières sur le Prophète (PBL) comme une annonce ou un résultat sorti de nulle part interpellant le voyageur au pays des mystères divins. D’ailleurs, à la suite des douze vers le Cheikh reprendra les prières en précisant celui à qui elles sont dédiées. La prière d’introduction est tout aussi prémonitoire, car le Cheikh y évoque la baraka de Rajab (mois de naissance de Cheikh Mouhammadoul Faadel), Chaabaan et Ramadan.

Voici la substance de ces vers :

Toi qui es le meilleur par la faveur du Créateur

C’est par ta baraka que j’ai obtenu tous mes vœux

Je me suis tourné vers toi et

Désormais toutes les fortunes affluent vers moi 

Et tu as effacé toute hypocrisie en moi

Tu m’as offert une belle correspondance 

(Isra’a wal miraaj et la naissance de Cheikh M. Faadel)

Par la grâce de celui qui a éclairé les quatre points cardinaux

Il m’a apporté l’agrément divin, la félicité et la dignité

C’est par ta grâce que j’ai obtenu mon désir ardent

Salut et bénédictions sur toi la meilleure des créatures

À la fin de ses douze vers, les prières sur le Prophète (PBL) reprirent de plus belle avec une précision de taille lors de la première prière qui finit par A’laa nnabi il arabi Ahmada (paix et bénédictions sur le Prophète Arabe Ahmad).

Cheikh Mouhammadoul Faadel détient à coup sûr les clés de la satisfaction, de la sécurité et du Paradis. Qu’on se rappelle l’épisode de l’écriture du Saint-Coran avec Son maître Cheikh Ahmadou Bamba. Il avait écrit de sa main un bel exemplaire du Coran et, en parfait calligraphe, fit les enluminures et toutes les décorations et rajouta le porte-document en cuir (jaafira). Quand il présenta ce Coran manuscrit au Cheikh, celui-ci en fut fort ému et lui dit : « Ton Seigneur voudrait que tu lui écrives un exemplaire similaire. » Et Cheikh Mouhammadoul Faadel de lui répondre : « Je t’ai offert cet exemplaire. S’il s’agit en revanche du Seigneur, je compte bien le LUI vendre ». 

Un instant plus tard, le Cheikh lui dit que Le Seigneur a accepté son contrat. Quand il lui apporta le Coran avec toutes les enluminures et décorations, le Cheikh lui dit : « Dieu a accepté le manuscrit et demande le prix ». Cheikh Mouhammadoul Faadel répondit : « Je demande que toute personne qui te connaît n’aille pas en enfer ». Le Cheikh lui fit savoir que son vœu était démesuré. Cheikh Fadilou lui répondit : « Certes. Mais tu le mérites et Dieu dans sa Toute-puissance absolue est parfaitement à même de nous accorder cette faveur ». « Accorde-moi un instant », lui dit le Cheikh avant de lui répondre : « Fadilou, Dieu a accepté ta transaction ».

Quant au bonheur que représente Cheikh Mouhammadoul Faadel, il suffit de se rappeler que quand il prenait les destinées de la communauté mouride, le Sénégal était dans un état moribond ; la misère, la peste, la famine et la gale se disputant son sort. Nous sortions tout juste de la Deuxième Guerre Mondiale. Les Français réquisitionnaient le peu de vivres disponibles au nom de l’effort de guerre. C’était la misère au sens propre. Certaines populations étaient dépourvues jusqu’à des habits à mettre. Dans certaines concessions, il n’y avait qu’un seul boubou confié au chef de famille. Celui qui sortait le mettait et le rendait dès son retour. Les populations utilisaient des feuilles d’arbre comme cache-sexe ou s’habillaient avec des sacs. Il fallait être un chef de famille très aisé pour se payer un short, a fortiori un pantalon ou un boubou. 

Les conséquences de la guerre ont résonné jusqu’au plus profond de nos foyers. Malgré leur ardeur et leur courage, les mourides assistèrent impuissants à l’arrêt de la construction de la Mosquée remise aux calendes grecques. D’ailleurs, pour souhaiter à quelqu’un une longue vie on lui disait : « Dieu fasse que tu assistes à l’achèvement des travaux de la mosquée ». Hommes, femmes et enfants survivaient. La famine s’était généralisée. C’est dans ce contexte difficile qu’arriva Cheikh Mouhammadoul Faadel au Khalifat. Il demanda la Miséricorde du Seigneur à travers des vers célèbres commençant par : « Li xayri ka laa nachkoo » (Je ne me plaindrai pas à un autre que Toi (Dieu). Avec insistance et humilité, il implora le Très–Haut  de débarrasser le pays de cette misère ambiante, de ces maladies décimant la population et de faire revenir la prospérité et l’abondance dans les foyers. Une complainte empreinte d’un monothéisme pur.

Son vœu fut exaucé au point que les travaux de la mosquée reprirent dès 1948. Cheikh Mouhammadoul Faadel est sans aucun doute Mafaatihul bichri wal amni… (Les clés du bonheur, mais aussi de la sécurité…). Une sécurité alimentaire d’abord, car il avait chassé la sécheresse du Sénégal, économique ensuite et politique finalement, car c’est sous son magistère que le Sénégal obtint son indépendance et retrouva le cercle des nations souveraines. Une sécurité religieuse (mystique) tout autant avec l’achèvement de la grande mosquée aux cinq minarets tendus vers le ciel comme les cinq doigts d’une main, en réplique aux mosquées des lieux saints de l’Islam. Grande Mosquée implantée au milieu du Sénégal. Fierté d’un Occident qui ne pâlit plus de jalousie devant l’Orient. Assurance-vie pour un Sénégal qui a rendez-vous avec son Histoire. Et je ne peux m’empêcher de penser au vers 109 dans Mawaahibu Naafih (Les Dons du Profitable) : « Qad fakka kablaa (il a brisé les chaînes) Qad bassa fadhlaa (il a prodigué des dons) fad-durru wallaa (le danger s’est écarté) wan-nafhu jaa’i (et le profit s’est installé) ». L’œuvre de Cheikh Mouhammadoul Faadel en est l’incarnation parfaite. 

C’est sans doute pour cette raison que Cheikh Mouhammadoul Faadel déclarait qu’hormis le Prophète Mouhammad (PBL) et Cheikh Ahmadou Bamba (RA), toute créature qui me rencontre dans l’autre monde saura que je ne suis pas son égal. Cheikh Ahmadou Bamba, cet océan de sagesse, renferme des trésors cachés insoupçonnés. Comme il le répéta un jour à un de ses disciples du nom de Serigne Mbacké Diouf : « ‘Alamani Laahu bi anani ayaatun min aayati laahi (Dieu m’a fait savoir que je suis un signe parmi ses signes) ». Autrement dit, un miracle parmi les merveilles divines. Revenons à celui qu’on appelle affectueusement Gallass, Alhadji Fadhilou, Mouhammadoul Faadel, le père de Mbène (Sokhna Aissatou Mbacké), le scribe, poète et calligraphe.

Sa Formation 

C’est Cheikh Ahmadou Bamba qui l’a initié lui-même au Saint-Coran en compagnie de son grand frère, Cheikh Moustapha le noble (premier khalife de la communauté mouride) et Serigne Omar Mbacké Gélongal à Darou Rahmane dans l’actuelle maison de Serigne Souhaibou Mbacké, autre fils du Cheikh. Il aura vécu sous l’aile protectrice et bénite de son père jusqu’à l’âge de 7 ans. L’exil au Gabon du Cheikh les séparera pendant presque 8 ans. Dure épreuve pour un enfant ! D’ailleurs Cheikh Mouhammadoul Faadel n’a pas raté un seul épisode de cette période douloureuse de la Mouriddiyah à Mbacké Bary, dernier lieu d’habitation du Cheikh avant son exil. Il en fut un témoin privilégié. Il se rappelle quand le Cheikh, sur le point de partir, les fit venir sous l’arbre, posant sa main sur sa tête et sur celle de Cheikh Moustapha son frère en leur disant : « je vous confie à Dieu ».

Ils rejoindront par la suite Cheikh Abdou Rahmane LO qui leur a appris le Saint-Coran par cœur, son écriture et les 7 façons de lire le livre sacré. D’après Ibn Abbâs (qu’Allah soit satisfait de lui), l’Envoyé d’Allah (PBL) a dit : « L’Ange Gabriel me fit réciter le Coran avec une certaine prononciation ; mais je ne cessai de lui en demander encore davantage jusqu’à ce qu’il me fit réciter avec sept prononciations différentes ». De ses honorables mains, Cheikh Mouhammadoul Faadel a écrit 28 fois le Coran complet. Il fit de tous ses corans manuscrits des dons pieux (hadiyya) à son père, le Cheikh Serviteur Privilégié du Prophète (PBL). Cheikh Ibrahim, communément appelé Mame Thierno, s’occupera ensuite de sa formation en Sciences religieuses et de son éducation. Cheikh Mouhammadoul Faadel avait coutume de dire : « Sunu baay Ceerno daf ño jàngal bañu ni arr, mu yarr ñu bañu ni nërr, mu yee ñu ba ñu ni jarr  (i.e Notre père Thierno nous a prodigué une bonne instruction suivie d’une bonne éducation et enfin d’une très bonne formation. »

Serigne Mame Mor Diarra, le propre frère de son père, lui a enseigné des matières telles que la littérature, la grammaire et la conjugaison (arabe). Il lui a appris le livre « Alfiya » d’Ibn Malik jusqu’au chapitre des qualificatifs. Puis il est retourné chez Mame Thierno Ibrahim. Sa formation sera complétée par le savant et mufti Serigne Mbacké Bousso, puits intarissable de sciences. Il eut la chance de séjourner avec son père en Mauritanie lors du second exil entre 1903 et 1907 ; ce qui lui donna l’occasion d’apprendre des savants et saints arabes. Il fait partie, avec Cheikh Moustapha son grand frère, de ceux qui ont eu les meilleures formations islamiques parmi les savants et guides de leur génération. Si la recherche de la connaissance est la première obligation du musulman, sa mise en pratique est la deuxième. Mais le disciple mouride ira plus loin dans son engagement sur la voie de l’Agrément divin. Il le matérialise par l’allégeance à un Cheikh, un guide sage, noble, dévot, pieux et généreux. « Parmi leurs mérites, on note le fait d’acquérir une forte érudition dans la Chari’a comme dans la Haqîqa avant de s’entraîner dans la pratique du Soufisme. », déclare Cheikhoul-Khadim dans son poème intitulé Huqal Bukaa-u.

L’acte d’Allégeance de Cheikh Mouhammadoul Faadel

C’était à Thieyène dans le Djoloff après l’étape mauritanienne. Le Cheikh convoqua un jour Cheikh Mouhammadoul Faadel, Cheikh  Moustapha son grand frère, Serigne Massamba Mbacké, frère du Cheikh et Serigne Mor Rokhaya Bousso, son neveu. Il leur tint ce discours historique : « La voie sur laquelle je chemine est celle de Dieu. Sur cette voie, le statut de frère n’est d’aucun intérêt. Le statut d’oncle l’est encore moins. Se prévaloir aussi de son rang de fils n’est d’aucun secours sur cette voie. C’est la voie par excellence où l’élite qui l’emprunte ne peut faire qu’une chose qui a une valeur : prêter serment d’allégeance. Si vous scellez ce pacte avec moi, je serai alors votre père, votre frère, votre oncle et votre guide ». Tous les quatre prêtèrent serment d’allégeance au Cheikh comme tout mouride aspirant à l’Agrément Divin. Cheikh Mouhammadoul Faadel composa ce poème à cette occasion:

« J’ai échangé les privilèges que me procurent mon statut de fils du Maître contre celui de mouride (aspirant) en quête d’agrément divin. Si vous acceptez cette transaction, je vous redonne le prix en guise de hadiya (don pieux) sans aucune prétention à la gloire. »

À cette lettre Cheikh Ahmadou Bamba avait répondu en ces termes : « Ce que tu obtiendras dans ce monde-ci et dans l’au-delà, aucune personne ne pourra l’acquérir, à moins de faire comme toi ».

Son Education Spirituelle (Tarbiyyah)

Cheikh Mouhammadoul Faadel et son grand frère Cheikh Moustapha furent éduqués d’une manière très rude par le Cheikh lui-même durant leur séjour à Thièyène dans le Djolof en compagnie de Cheikh Moustapha, Serigne Omar Mbacké, Serigne Massamba et d’autres tels que Serigne Modou Mamoune, Serigne Modou Khabaane et Serigne Modou Massamba Diop. Les quatre premiers eurent à écrire 40 corans manuscrits pour le Cheikh. Ils avaient comme nourriture quotidienne une poignée de mil sec, de la gomme arabique ou une poignée de farine de mil. Il suffit de rappeler que l’éducation et la formation de ces mourides ont eu un succès si retentissant que l’administrateur colonial décida de déplacer le Cheikh à Diourbel (zone urbaine) pour casser cette dynamique de production d’hommes de Dieu accomplis. Les rapports lui disaient que le Cheikh était tout seul auparavant, mais à Thiéyène il était en train de former d’autres « Cheikh Ahmadou Bamba ».

En outre, ces quatre preux disciples ont eu l’agrément du Cheikh la même année, en 1913 à Diourbel. Cheikh Moustapha fonda Tindody et Cheikh Mouhammadoul Faadel le village de Ndindy. Il ordonna à Cheikh Massamba et à Cheikh Mor Rokhaya de fonder respectivement Daroul Karim et Také. Quant à Cheikh Massamba Kani, il lui indiqua le village de Daroul Qadiim comme lieu d’éducation spirituelle, d’enseignement et de travail.  

Grand disciple, bâtisseur de cités religieuses et créateur de sites de productions pour concrétiser les grands projets de l’Islam,

Cheikh Mouhammadoul Faadel travaillait dans les champs à Ndindy comme l’ensemble des disciples qui étaient sous sa direction. À la fin de chaque hivernage, il remettait toute la récolte ainsi que les chevaux, les machines et l’ensemble des disciples au Cheikh. Tout ceci accompagné d’un manuscrit du Saint-Coran qu’il commençait à l’entame de la saison des pluies. Pendant la saison sèche, il s’installait dans la carrière de Ndock pour tailler les pierres destinées à la grande mosquée de Touba. « En matière de comportement d’un Talibé, Cheikh Ibrahima Fall est mon modèle, disait-il, et en matière de patience, la terre ».

Un très grand nombre parmi l’élite choisie des mourides pieux bénéficia de la formation de Cheikh Mouhammadoul Faadel. Parmi ceux-ci on compte Serigne Mbacké Bousso, le Khalife de Serigne Ibrahim Bousso, Serigne ‘Uthman Bousso, Serigne Ndiaye Guédé, Cheikh Malick Diop « Kayar », Serigne Naar Diène, fils de Serigne Bara Diène, Serigne Modou Ndiaye Binta, Serigne Mbaye Sall. Il éduqua des milliers de mourides répartis dans les différents centres d’éducation par l’enseignement et le travail. 

S’il a fondé le village de Ndindy en 1913 sous le Ndigeul (l’ordre) du Cheikh, Serigne Mouhammadoul Faadel ne s’arrêtera pas là. Il fondera Bogorel en 1930, Médina Mboba en 1938, Khayane en 1948, Touba Mérina en 1952, Naylul Maraam en 1959, Aliya en 1961, Touba Sourong en 1964, Touba Bogo en 1962. Il priait Dieu de transformer la production de ce champ d’arachide en sel (c’est-à-dire à néant) s’il n’avait pas l’intention d’injecter l’intégralité des fruits de la récolte dans les travaux de la mosquée. Tous ces villages sont des écoles d’auto-discipline, de purification des cœurs et d’ascétisme fondées sur le Coran et la Sunnah, mais également des centres d’agriculture et de production (300 quintaux d’arachide par centre) avec un seul objectif : le financement des travaux de la mosquée de 1947 à 1963, soit 15 ans de dur labeur. 

Ses Nobles Caractères

Cheikh Mouhammadoul Faadel était connu pour son strict respect et son application parfaite de la Sunnah du Prophète (PBL), pour son savoir immense, son ascétisme et son charisme qui forcent l’admiration et le respect. Il s’est illustré par son courage dans la construction de la mosquée et de la Cité de Touba. Il se distingue par sa piété et sa sagesse, mais surtout par son humilité et son empathie. Quant à son amour pour le Cheikh, il était incommensurable.

Son Amour Pour Le Cheikh

« Verser de chaudes larmes par amour pour le Cheikh est une obligation pour tout aspirant (mouride) », nous confie Alhadji Mouhammadoul Faadel. « Le Cheikh a rénové la religion comme s’il était son concepteur », assurait-il avant d’ajouter : « O Toi qui es à la recherche de quelqu’un de semblable à mon guide spirituel épargne-toi cette peine, car tu ne le trouveras point. »

À la fin de sa vie, il aimait rappeler qu’il n’était rien (par humilité). « Je n’ai pas de père disait-il, car j’ai troqué ce statut ». Quand on lui rétorquait : « vous êtes un disciple alors », il disait : « non je ne suis rien ; je suis juste à l’intérieur de la Mouridiyah. Je ne suis même pas un talibé, car je ne prétends pas être un jour un Cheikh. Je suis dans la Mouridiyah c’est tout. » Il venait d’atteindre le degré suprême de l’amour : l’anéantissement (fanaa), l’oubli et le don de soi. 

Quand l’héritage Cheikhoul Khadim fut effectué, Cheikh Mouhammadoul Faadel refusa de toucher à sa part, estimant qu’il avait troqué son statut de fils pour celui de disciple. Il en était tellement convaincu qu’à chaque fois qu’un dahira (groupement de disciples) amenait ses hadiyas (dons), il demandait la liste des membres. Il prenait alors un stylo et rajoutait son nom avant de demander le montant de la cotisation pour s’en acquitter.  

À l’instar du Prophète (PBL), les qualités louées dans le Coran étaient celles de Cheikh Mouhammadoul Faadel. Il était également un érudit raffiné doublé d’un jurisconsulte. Mais avant d’en arriver à cette station, Cheikh Mouhammadoul Faadel a souffert le martyre. Le Prophète (PBL) nous a appris que la patience est la moitié de la religion. Celui qui n’est pas patient ne saurait adorer Dieu et ne pourra pas non plus s’écarter des  interdits. Cheikh Mouhammadoul Faadel avait coutume de déclarer qu’il n’y a que la terre qui le dépasse en patience. Il nous indique que le véritable soufi est celui qui est comme la terre en matière d’endurance. On peut y jeter tous les déchets, mais chaque fois que tu creuses, le sable est toujours blanc et fin. Les êtres les plus vertueux comme les plus vicieux la foulent aux pieds, mais la terre reste stoïque. 

Cheikh Mouhammadoul Faadel a vécu des situations difficiles qu’il ne nous est pas permis d’évoquer. Ces difficultés étaient telles qu’il adressait de nombreuses lettres à Cheikhoul Khadim pour lui en faire part. Celui-ci lui demandera d’arrêter ces correspondances et de s’armer de patience. Mais les souffrances allaient crescendo. Ne pouvant plus écrire au Cheikh, il lui fit parvenir le Qacida Chakawtu Umuuri, un panégyrique dans lequel le Cheikh lui-même adressait ses doléances à Dieu. Comme pour dire : « je patiente, mais toi-même tu t’es plaint à ton Seigneur à un moment donné. Je suis vraiment fatigué ». Le Cheikh prit le Qacida que Cheikh Mouhammadoul Faadel  lui avait adressé et écrivit derrière le fameux poème qui commence par « Bileuzi Zabba Yaqiinaa ». Il comporte 12 vers résumés par « Bika al Yawma Akmaltu » (C’est par toi que s’est parachevé…). Cheikh Mouhammadoul Faadel lut les vers, mais eut du mal à en saisir la signification. Il les montra à son frère Serigne Affé. Celui-ci lui dit : « je n’en saisis pas la signification, mais gardons-le ». En 1963, après l’achèvement de la construction de la mosquée et l’aménagement de Touba, Cheikh Affé demanda à Serigne Bara Ndiaye d’apprendre le poème par cœur et d’aller le déclamer devant Cheikh Mouhammadoul Faadel. Alors que le monde se précipitait pour saluer le Cheikh, Serigne Bara Ndiaye se mit en face de lui et commença à chanter les 12 vers du Qacida « Al Yawma Akmaltu… ». Il interrompit la séance et demanda à tout le monde d’écouter. Quand Serigne Bara termina, il lui fit signe de s’approcher. « Tu t’es certainement entretenu avec quelqu’un qui me connaît », lui lança Cheikh Mouhammadoul Faadel. Et Serigne Bara de confirmer. Songeons que dans ce Qacida Cheikhoul Khadim lui apprenait qu’il parachèverait son plus grand désir et c’est seulement par la suite que toutes les difficultés seraient dissipées.

Ayant achevé la construction de la Mosquée à l’âge de 75 ans, le monde et ses parures se dirigèrent vers lui. Cheikh Mouhammadoul Faadel appela son vieux compagnon El Hadji Bousso Imam.  « Observe bien ! lui dit-il, maintenant que j’ai plus de 60 ans, le monde est à mes pieds. Mais il sait pertinemment que je ne vivrai pas autant d’années que j’ai déjà vécues. Quand j’avais vraiment besoin de lui, il m’avait tourné le dos. Mais est-ce qu’un jeûneur qui creuse un puits à la recherche du liquide précieux interrompra son jeûne alors qu’il fait encore jour tout simplement parce que l’eau commence à couler ? Certainement pas. Donc prenons l’engagement solennel toi et moi de ne jamais rompre notre jeûne vis-à-vis de ce bas-monde. Jurons-le ! » lui dit-il.

Cheikh Mouhammadoul Faadel avait un vieux compagnon qui lui faisait tous les torts imaginables. Pourtant c’est le Cheikh qui lui assurait sa dépense quotidienne. Ce malfaisant disait souvent au Cheikh : « si ton charisme et tes pouvoirs sont vraiment avérés, détruis-moi ». Cheikh Mouhammadoul Faadel lui répondait : « Un tel, à chaque fois que je me rappelle de notre séjour à Thiéyène lorsque que le Cheikh t’avait demandé de monter une porte et qu’à la fin il te remercia en te disant haakaza… tu ne peux plus rien me faire dans cette vie qui me fasse mal. »

Un jour Cheikh Awa Balla, fils de son oncle Cheikh Ibrahim lui rendit visite. Il était environ 17 heures et Cheikh Mouhammadoul Faadel était en train de manger une bouillie avec des feuilles de tamarin. Cheikh Awa Balla s’étonna de la sobriété de cette nourriture. Le Cheikh lui dit : « Liko jiitu tuss liy ñëw it tuss » (i.e avant ceci que dalle après ceci que dalle). Par cette déclaration le Cheikh lui faisait savoir qu’il n’avait pas pris un petit déjeuner et ne comptait pas non plus dîner. 

Une année, Cheikh Mouhammadoul Faadel est resté sans mouton à sacrifier pour l’Eid-El-Kébir (Tabaski). Mais cette situation n’étonnera pas quiconque se souvient du Prophète Mouhammad (PBL) qui restait des jours sans que la cuisine soit faite dans sa concession. Sokhna Aïcha nous rapporte que souvent il n’y avait que les deux matières noires : l’eau et les dattes dans la maison du Prophète (PBL).

Son humilité et sa bienveillance envers tous les êtres humains et des animaux. 

Cheikh Mouhamadoul Faadel recevait toutes sortes de personnes, riches comme les pauvres, les hommes accomplis comme les blessés de la vie. Chacun prenait congé de lui avec une satisfaction totale et entière. Il était humble et bienveillant envers toute créature divine. Songeons qu’il rachetait les oiseaux capturés pour les libérer.

Sa culture et son raffinement

Il utilisait tous les moyens que la science et la technologie mettaient à sa disposition. Le téléphone de même que le micro de la grande mosquée étaient branchés jusque dans son appartement en paille ; ce qui lui permettait de communiquer depuis sa maison avec l’ensemble des habitants de la cité. La radio était également toujours à ses côtés. Il se déplaçait en voiture et consommait local. Il suffit d’observer son habillement avec les pagnes tissés du Sénégal (rabal).

Quelques « karaama » (prodiges) de Cheikh Mouhammadoul Faadel

Il est l’auteur de tellement de prodiges qu’il est rare de voir un sénégalais qui a vécu durant le khalifat qui ne soit pas en mesure d’en raconter un dont fut témoin un de ses proches parents, amis ou voisins. 

Je tiens le prodige qui suit de Serigne Modou Mahmoud Niang, fils aîné de Cheikh Affé NIANG, frère de Cheikh Mouhammadoul Faadel par leur mère Sokhna Awa Bousso.

« Mon père m’avait demandé d’aller voir Cheikh Mouhammadoul Faadel, car nos champs de Nasru commençaient à manquer d’eau pluviale. Le Cheikh prit un papier, griffonna dessus et me le remit. Il faisait un peu tard. Alors j’ai décidé de rester à Touba jusqu’au lendemain. Le lendemain, dès que je posai mon pied dans le village, la pluie commença à tomber. L’après-midi, mon père était tellement content qu’il me demanda de préparer le cheval afin qu’on aille remercier Cheikh Mouhammadoul Faadel. Quand nous arrivâmes à Ndindy, le Cheikh demanda à Serigne Affé le moment où il a commencé à pleuvoir. Il lui répondit : « aujourd’hui quand Modou Mahmoud est revenu. » Cheikh Mouhammadoul Faadel déclara : « Effectivement j’avais relié la pluie à son retour ». C’est ce qu’il avait écrit sur le papier en ces termes : « la pluie que tu demandes je l’ai mise en relation avec ton émissaire. Dès qu’il mettra ses pieds chez vous, elle tombera ». At-Tabaraani narre dans Awsat que le Prophète (PBL) a dit : « la terre portera toujours 40 hommes similaires à l’Ami de DIEU (Abraham) grâce auxquels les hommes reçoivent la pluie et sont secourus. Chaque fois que l’un d’eux meurt, Allah le remplace par un autre » (rapporté par Anas). Il s’agit des Abdaal.

Le Cheikh qui causait aux animaux

Cheikh Mouhammadoul Faadel parlait avec toutes les créatures. J’en veux pour preuve le sermon qu’il avait fait au cheval qui refusait de travailler dans les champs. L’histoire nous a été rapportée par Mame Mor DIENG, le propre responsable du cheval.

Cheikh Mouhammadoul Faadel donnait à chaque saison des pluies aux chefs d’équipe trois chevaux et trois quintaux de semences. Un des chevaux de Mame Mor DIENG refusa catégoriquement de travailler. Il vint voir le Cheikh pour se plaindre de l’attitude d’un cheval. Le Cheikh lui demanda de quel cheval il s’agit. Il lui répondit que c’est celui que Serigne Modou Mamoune lui avait offert. Et Cheikh Mouhammadoul Faadel de dire : « ce cheval est un « sañ ta bañ » (c’est-à-dire qu’il n’a pas le droit de refuser). « Amène-le-moi », lui dit-il. Dès qu’il fut présenté au Cheikh, celui-ci le fixa du regard en le sermonnant  ainsi: « c’est toi qui refuses de travailler pour Serigne Touba. Regarde comment tu as fière allure et comment tu es bien portant. On te nourrit avec du mil et du fourrage tous les jours avec tous les honneurs qui vont avec. Tout ceci, afin que tu sois en mesure d’accomplir ta tâche. Un grand noble comme toi ne doit pas accepter qu’on l’humilie ». C’était en présence de Serigne Modou Ndiaye Bineta, Serigne Modou Hafiiz, Serigne Darou Sèye et Sokhna Abi Dieng. Aussitôt le Cheikh demanda à Mame Mor DIENG de retourner avec le cheval aux champs.

« Avant l’heure du déjeuner, le cheval avait déjà semé plus de 100 kilogrammes », nous confie Mame Mor DIENG encore vivant (Hafizahullah).

Un jour, Cheikh Mouhammadoul Faadel demanda les nouvelles de Serigne Saliou Mbacké. Celui-ci, malgré une grippe paralysante, se déplaça pour répondre à l’appel de son frère et maître spirituel. Le Cheikh lit la souffrance sur le visage de Serigne Saliou. « Je ne savais pas que ta maladie t’avait atteint à ce point, lui dit-il, mais sache que tu en guériras. Un jour, tu seras à ma place. » Cette anecdote a été rapportée par Serigne Khadim Abdou Fattah qui le tient de Serigne Saliou.

« Je suis le Sénégal » (Maay Sénégal), disait le Cheikh 

Il aidait tous les êtres humains sans distinction de confréries, de religions ou de catégories sociales. C’est la raison pour laquelle il disait souvent : « je suis le Sénégal », cette jeune nation portée sur la scène internationale en 1960.

Il a fait son allégeance à Cheikhoul Khadim comme tous les grands disciples, a œuvré jusqu’à obtenir l’Agrément Divin en 1913 auprès du Cheikh. Il a poursuivi et achevé la construction de la grande mosquée de Touba, désir ardent de son père et maître. Il est aussi un fils de Cheikh Ahmadou Bamba, ce qui inclut tout ce qu’il a de plus dur comme éducation spirituelle et observance des recommandations d’Allah (SWT). Ses nobles œuvres peuvent être la source de toute bénédiction et de toute félicité. Baraka dont profitait tout visiteur chanceux qui lui faisait part de ses souffrances ou besoins impérieux. Ses portes étaient ouvertes à toutes les créatures. Il entretenait des relations chaleureuses et fraternelles avec tous les dignitaires religieux ou politiques du pays sans exception.

Du doyen Seydou Nourou Tall à Serigne Ababakar Sy en passant par Serigne Abdoul Aziz SY qui était son parent aussi bien du côté paternel que maternel. En effet, Mame Maharam l’ancêtre des Mbacké est le père de Thierno Farimata, père de Khary Mbacké, mère de Ngagne Niang, père de Sokhna Safiétou Niang, mère de Serigne Abdou Aziz SY. D’ailleurs sa mère Sokhna Safiétou Niang a plusieurs homonymes à Touba. Sans parler de leur parenté par Mame Maharam, père de Ahmad Farimata, père de Sokhna Maty Mbacké, mère de Mame Ousmane, père de El Hadji Malick SY. Cheikh Mouhammadoul Faadel avait prié en 1957 pour Mame Abdou en lui disant : « s’il plaît à Dieu ton khalifat s’inscrira dans le bonheur et la durée ». Sa prière fut exaucée. Il a été khalife de 1957 à 1997 soit 40 ans ; un record jamais atteint par un khalife au Sénégal. 

Il entretenait d’étroites relations avec Seydina Issa Laye, Mouhamed Khalifa Niasse, Serigne Ibrahima Niasse, Serigne Ahmad Dème Sokone, les chérifs de Ngeoul, les chefs religieux de la Casamance, de Njaamal, du Boundou, du Waalo, du Ganjool, de mme qu’avec Serigne  Amadou Cissé de Pire, Serigne Abass Sall de Louga et Serigne Hady Touré de Fass Touré. Il entretenait également des relations cordiales avec l’Église catholique. Le cardinal Thiandoum lui a rendu visite à Touba.

Le Président Senghor l’appelait « mon père » et Cheikh Mouhammadoul Faadel l’appelait Léopold, Président. Une amitié sincère les liait. Ils ont porté sur les fonts baptismaux le jeune État du Sénégal. L’un avec son statut d’homme d’Etat et son pragmatisme vis-à-vis de l’ancien colonisateur encore présent et l’autre avec son charisme et ses bénédictions. Le président Senghor voulut même lui offrir une voiture avec chauffeur et carburant. Le Cheikh déclina poliment la faveur et lui offrit le lendemain même une voiture toute neuve. 

La dimension et l’aura de Cheikh Mouhammadoul Faadel dépassaient largement les frontières du Sénégal. Le président Félix Houphouet Boigny de la Côte d’Ivoire était atteint d’une maladie tellement grave qu’il fut éloigné de ses proches.  Il dépêcha un émissaire auprès du Cheikh pour recueillir ses prières. Il enverra un de ses disciples du nom de El Hadj Gueye Bambouck les lui apporter. Après avoir regardé son disciple, il lui demanda d’aller voir le Président Houphouët, qui ne tarda pas à guérir.

Le père de Makhtar Oul Daddah, premier président de la Mauritanie, était un hôte régulier de Cheikh Mouhammadoul Faadel.

Son affection envers les fils et filles de Cheikh Ahmadou Bamba 

Serigne Modou Moustapha Mbacké le premier khalife est l’homonyme de son fils ainé Serigne Modou Bousso Dieng, Serigne Bara 6ème khalife de la communauté mouride porte le nom de Serigne Bara ibn Cheikhoul Khadim. De Serigne Mouhammad Al Bachir à Cheikh Mouhammad Al Mourtada, chacun a son homonyme, de même qu’à compter de Sokhna Faty Dia Mbacké à Sokhna Maimounatou Suhraa.

Son affection envers les dignitaires mourides, ses compagnons

Il a fait porter le nom de ses enfants aux dignitaires de la communauté mouride. Serigne Abo, son khalife actuel porte le nom du fils de Serigne Mbacké Bousso. De Serigne Modou Mamoune Mbacké à Serigne Modou Massamba Diop Sam en passant par Cheikh Awa balla Mbacké, les fils aînés des grands disciples du Cheikh ont eu l’honneur de voir leur nom porter par les fils de Cheikh Mouhammadoul Faadel.

Son affection envers les saints africains

Au-delà des frontières du Sénégal, il a un fils qui porte le nom de Cheikh Mouhammad Chérif appelé grand Sherif (Karamo Sekouba : 1874-1955) ou Cheikh Fanta Madi, grand marabout de l’Afrique de l’Ouest à l’époque coloniale. Ce chef religieux a rayonné sur les pays de la savane et de la forêt de la Guinée au Ghana. Il habitait à Kankan en Guinée. Dans son livre « Cheikh Mouhammad Chérif et son temps » Lansine Kaba déclare à son propos : « Dans son sillage on découvre la vie sociale des gens de toutes conditions, hommes et femmes, notables, musiciens et chauffeurs, handicapés et malades mentaux auxquels il restituait sociabilité et dignité. Il envoyait chaque année sa participation financière lors de la construction de la mosquée de Touba. Son nom évoque l’âge d’or de Kankan ». 

Son affection envers les saints du monde arabo-musulman

Un de ses enfants porte le nom du Cheikh Ahmad Al Badawi, le grand saint égyptien. Né à Fés en 596 AH il disparut en 675 AH à Tanta en Égypte. Il est l’auteur de Nuraniyyah (La prière lumineuse) et de Mafâtihul Qurb  et disait : « Allahouma, secours par ta grâce notre religion (dinanâ) élimine la mécréance de nos ennemis et protège-nous dans nos pays. Confie nos affaires au meilleur d’entre nous et ne confie pas nos affaires au pire d’entre nous. Ôte de nous ton aversion ainsi que ta colère et ne fais pas régner sur nous, à cause de nos péchés, celui qui ne te pas craint et qui ne nous fait pas miséricorde. Ô Seigneur des mondes ».

L’imam Ahmad AR-Rifâ’î de Umu Ubaydah, l’ascète, le gnostique, le dévot, le juriste, le descendant du Prophète, né un certain mois de Rajab en 1118 de l’ère chrétienne en Iraq est l’homonyme d’un de ses fils, actuel imam de la mosquée de Aliya. Il fut appelé « Abûl Alamayn » (le détenteur des deux étendards) pour avoir renforcé l’attachement à la législation islamique ainsi que le raffinement spirituel. Lors de son pèlerinage à la Mecque, il a dit : « Assalamu aleikum grand père ! » et le Prophète lui avait répondu audiblement. Il trembla de tout son corps et demanda de poser ses lèvres sur la main du Prophète. Et l’ensemble des personnes présentes dont Cheikh Abdoul Khadr Al Jilani virent la main du Prophète sortir de la tombe et son petit-fils Ahmad Ar-Rifâ’î, l’imam des gnostiques, y déposa son baiser.

Les réalisations de Cheikh M. Faadel 

La construction de la Grande Mosquée de Touba est l’œuvre majeure du deuxième khalife de Cheikh Ahmadou Bamba. En 1344 de l’hégire (1926), le Cheikh avait convoqué Mame Thierno, Mame Cheikh Anta Mbacké, Serigne Mbacké Bousso, Serigne Balla Thioro et Cheikh Moustapha pour leur donner l’ordre de se mobiliser pour construire la grande mosquée de Touba.

Par bonheur, Ibrahima Ndaw qui passait par Ndokk y trouva une pierre qui attira son attention. Il en tailla un morceau, qu’il apporta à Cheikh Mouhammadoul Faadel. Celui-ci la confiera à Serigne Modou Ndiaye Bineta pour la montrer à Cheikhoul Khadim à Diourbel. À son tour, il enverra la pierre au service chargé du projet de la construction de la Mosquée. Par chance, c’était le type de pierre dont on avait besoin pour construire l’édifice. Vérification faite, la carrière de Ndokk pouvait alimenter en pierres la Mosquée de Touba trois fois. C’est la raison pour laquelle Cheikh Mouhammadoul Faadel disait : « la première pierre c’est moi, la dernière pierre c’est également moi ».

Il a repris les travaux de la mosquée en 1948 et les clés de l’édifice lui seront remises le 7 juin 1963 avec son minaret culminant à 86m60 alors que sa propre maison était faite de baraques et de cases en paille. Cheikh Mouhammadoul Faadel compte également parmi ses réalisations la mosquée de Mame Mor Diarra à Mbacké Khéwar, ainsi que celle de Serigne Mbacké Bousso à Guédé. 

Il avait mis sur pied un Conseil Scientifique à la Grande Mosquée en charge de l’enseignement des habitants de la Ville et d’ailleurs. De grands érudits doivent leur formation à cette structure. Il est présentement dirigé par Serigne Ass Diakhaté (Que Dieu le garde). Cheikh Mouhammadoul Faadel a également offert des bourses d’études aux jeunes souhaitant poursuivre leurs cursus à l’étranger. Lors de la construction de la grande mosquée de Dakar, il participait à hauteur de 1 million de nos francs, qu’il chargeait à Serigne Dramé, son secrétaire particulier, d’aller verser chaque année aux responsables du projet. L’imam Cheikh Mouhammadoul Faadel a dirigé 231 prières de vendredi dans l’enceinte de la Mosquée de Touba.

Le Cheikh urbaniste, aménagiste et soutien des pauvres

Le lotissement de Touba s’est fait sous son magistère et sous la direction de Serigne Cheikh Mbacké avec le fameux plan radioconcentrique qui fait de la Grande Mosquée le centre de la Cité. Nous devons à Cheikh Mouhammadoul Faadel l’élargissement des artères de la ville ainsi que l’esplanade. Il a également investi dans l’approvisionnement de la ville en eau servant aussi bien aux habitants qu’aux besoins de la construction de la Grande Mosquée. Il avait en effet acheté des pompes électriques pour le forage de « Djadji Fall », construit par son frère aîné Cheikh Mouhammadoul Moustapha, et s’était chargé de son alimentation en carburant.

S’agissant de l’éclairage public de la Ville de Touba, il avait investi, dans un premier temps, dans des groupes électrogènes servant également à la sonorisation de la Mosquée. Il demanda au président Senghor de faire venir l’électricité à Touba dans sa célèbre déclaration : « Dakar ne mérite pas l’électricité plus que Touba ». On doit également à Cheikh Mouhammadoul Faadel les routes nationales qui desservent aujourd’hui la Ville Sainte depuis Thiénéba (117 km), Daara (68 km) et Kébémer (92 km). Il est utile de rappeler qu’auparavant la route nationale venant de Thiès s’arrêtait à Thiénaba. De Thienaba à Diourbel, la piste était en latérite. Cheikh Mouhammadoul Faadel a ainsi obtenu la construction d’une route nationale digne de ce nom allant de Thienaba à Touba. Il s’est également attelé à l’extension du chemin de fer depuis la grande gare jusqu’à la proximité de la Mosquée, où il a construit une nouvelle gare (dénommée « petite gare ») facilitant ainsi l’acheminement des matériaux de construction. Cheikh Mouhammadoul Faadel sera par ailleurs le maître d’œuvre du lotissement de Touba fort de 20.000 parcelles au cours de la période allant de 1958 à 1968.

Figurent parmi ses œuvres l’aménagement et l’équipement du cimetière et la construction d’une salle de prière. Des travaux qu’il avait confiés à son disciple Samba Guèye et au Dahira de Kaolack. Il a chargé à un de ses disciples du nom d’El Hadji Abdou Aziz Mbaye la construction d’un mur de clôture pour les cimetières de Touba. Il nomma en outre un Imam chargé de diriger les prières funéraires à des moments précis. Cheikh Mouhammadoul Faadel investira également dans la construction du premier centre de santé malgré la faiblesse des ressources de l’époque et les conditions difficiles.

Le fondateur du Marché « Occaaz »

Il a créé un grand marché à Touba dénommé Occaaz qui était, à l’origine, un marché hebdomadaire se tenant tous les vendredis pour permettre aux habitants de faire leurs courses et inciter les fidèles à se joindre à la prière. Occaaz est devenu le marché le plus achalandé de tout le Sénégal. D’ailleurs les containers de marchandises arrivent directement à Touba avant de ravitailler les autres marchés du Sénégal. Il a façonné le cœur de Touba qui bat au rythme du Grand Magal.

Le Grand Magal à Touba 

Nous devons au génie de Cheikh Mouhammadoul Faadel  la célébration du Grand Magal à Touba. Le Cheikh avait en effet ordonné sa célébration en 1341 H (1922) pendant qu’il était en résidence surveillée à Diourbel. Mais c’est Cheikh Mouhammadoul Faadel qui a recommandé à tous les mourides de venir le célébrer à Touba. Le premier appel eut lieu en 1368 H (1947). Aujourd’hui des millions de personnes se retrouvent à Touba pour célébrer le départ en exil du Cheikh. Il a par ailleurs déployé des efforts considérables pour frayer les voies d’accès à Touba au grand bonheur des pèlerins venus assister à l’événement. Considérant que la Ville Sainte était alors lointaine et difficile d’accès, il a négocié et obtenu des autorités le départ d’un train spécial de toutes les grandes villes du pays (Saint-Louis, Dakar, …) vers Touba pendant la période du Magal.

Le saint aux 40 Corans manuscrits

Il a produit environ quarante manuscrits du Saint-Coran rédigés de sa main, à raison d’un exemplaire tous les ans. Il le commençait au début de l’année et le bouclait avec la saison des récoltes au moment de la livraison de celle-ci à son père, le Cheikh Serviteur.

Le maintien du Daaray Kaamil (Groupe d’élite au service exclusif du Saint-Coran) et la création de la commission de relecture des écrits du Cheikh lui reviennent. Il a mis en place une équipe récitant le livre saint quatre fois par jour et la construction d’une salle dédiée à cette lecture à l’entrée de la Grande Mosquée, traduisant ainsi en acte une recommandation du Cheikh Serviteur. Il a également mis en place une commission chargée de la relecture des manuscrits de panégyriques du Cheikh avant leurs publications, sous la direction de Baye Serigne Diattara (qu’Allah lui accorde Sa miséricorde). Serigne Ass Diakhaté (Que Dieu le garde longtemps encore parmi nous) dirige l’Université de la Grande Mosquée de Touba (Majalis) où sont passés tous les cadres mourides actuels. 

Le Khalife qui a ouvert le chemin du Hajj

Il a réalisé le vœu de son père d’effectuer le pèlerinage aux Lieux Saints de l’Islam, voyage qu’il a entrepris après le retour à son Seigneur du Cheikh Serviteur et en compagnie de ses oncles Cheikh Mbacké Bousso, le grand savant Cheikh Anta Mbacké, le grand disciple et financier Serigne Cheikh Faty Touré, Serigne Mayoro fall. La délégation a quitté le pays le 10 Ramadan 1346 (1928) et fut de retour le 8 Muharram 1347 ;  un voyage qui aura duré 3 mois et 24 jours et tout au long duquel Cheikh Mouhammadoul Faadel tint, à la demande de Cheikh Mbacké Bousso, un carnet de voyage intitulé « Voyage aux Lieux Saints de l’Islam et d’autres contrées arabes », qu’il remit à son retour à Serigne Modou Mahmoud Niang. L’auguste délégation a visité le Maroc, la France (Marseille), le Liban, l’Égypte et la Syrie. Elle est arrivée le 21 Zul Hihda auprès du Prophète Mouhammad (PBL) à Médine. Cheikh Mouhammadoul Faadel lut le Coran en entier en guise de Hadiya (don pieux) à Cheikhoul Khadim. La délégation a assisté à quatre prières de vendredi dans la ville sainte de Médine. Au cours de ce périple aux Lieux Saints, les portes de la Kaaba ont été ouvertes à Cheikh Mouhammadoul Faadel qui y effectua 8 rakkas, soit deux de chaque côté. Il lut sur place deux fois le Coran en entier en donnant la récompense à Cheikhoul Khadim. Pendant son khalifat, il a envoyé 896 musulmans en pèlerinage aux Lieux Saints de l’Islam.

Sa disparition

Parce qu’il était également le soutien des pauvres, Cheikh Mouhammadoul Faadel a remboursé les dettes de musulmans en difficulté pour quelque 67 millions de francs, de même qu’il a offert 413 voitures à des tiers. Pourtant, il n’a laissé que 400 000 francs à sa disparition et a logé toute sa vie dans une maison faite de pailles et de bois, avec un sol en sable fin. Cheikh Mouhammadoul Faadel a répondu à l’appel de son Seigneur le 12 Jumaada Awwal 1388, correspondant au mardi 6 août 1968 à l’âge de 83 ans. Il fut alors inhumé à Touba, à côté de son noble père. Son mausolée, une véritable thériaque qui a fait ses preuves, reçoit la visite de milliers de musulmans chaque année. Qu’Allah lui accorde une grande rétribution en notre nom, au nom de l’Islam et de la Mouridiyya, par considération pour Cheikhoul Khadim. Aamin.

Modou Mamoune NDIAYE

Rédacteur en chef du Magazine Khidma

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