« Les degrés mystiques de Junayd, les mystères de Tayfour, tu les as atteints depuis la tendre enfance ; et tu restas toujours plus humble. » Serigne Moussa Kâ (1)

En l’an 1854 de notre ère, (1270h) naquit à Mbacké-Baol, un homme qui, très tôt, renonça à la vie matérielle pour se préoccuper avec sincérité à l’instruction et à la pratique des enseignements islamiques, un homme qui fut un miracle dans son apprentissage par cœur et dans la maitrise du savoir. Cet homme est Ahmadou Bamba, le confluent des fleuves spirituels.

Fils du célèbre jurisconsulte Serigne Momar Anta Salli (Muhammad Mbacké) et de Sokhna Mariama Bousso Jâratul-Lah (La Voisine de Dieu) surnommée ainsi pour sa grande piété, son ascétisme et sa fidélité aux valeurs islamiques, Cheikh Ahmadou Bamba a très tôt bénéficié des plus hauts degrés mystiques.

Sokhna Jâra Bousso, la mère de Cheikh Ahmadou Bamba, s’employait à inculquer à ses enfants les vertus supérieures de l’Islam et de la Morale. Elle les éduquait de manière à développer en eux le sentiment religieux.

Sokhna Mariama Bousso aimait raconter aux enfants les histoires des dévots afin de les inciter à suivre leur exemple (2). Doué d’une intelligence étonnante, le Cheikh, alors qu’il était jeune, écoutait attentivement ces histoires et les retenait par cœur.

Il lui arrivait d’imiter les comportements de ces saints avant même son âge de maturité.

Un jour, Sokhna Jâra racontait ceci : « il était dans les habitudes des pieux de prier durant la nuit… »Ayant entendu cela, le Cheikh se mettait à prier dès que la nuit tombait, et sortait sur la place du village pour méditer dans la nuit obscure, comme le font les pieux.

Tout jeune, la pudeur et la méfiance à l’égard de l’injustice étaient déjà ancrées dans sa nature. Un calme inhabituel et une abstinence des jeux et divertissements le caractérisaient. Il se retirait souvent de ses pairs et aimait la solitude.

Ses proches ne cessaient de le blâmer ; certains l’appelaient « le sot », d’autres « l’idiot » ou enfin « le fou » à cause de son détachement des choses mondaines.

Il passait son temps dans le Dhikr et la récitation du Coran, jeûnant le jour et priant la nuit. Il n’y avait ni vide dans sa vie ni oisiveté dans son existence, son temps étant consacré à l’adoration de son Seigneur conformément à la Sunna pour l’amour exclusif de Dieu.

Avant qu’il n’atteigne la dizaine, sa mère Sokhna Mariama Bousso Jâratul-Lah disparut. Son père le confia alors à l’exégète (Tafsir) Mbacké Ndoumbé (oncle maternel de sa mère), puis à son oncle maternel Muhammad Bousso auprès de qui il acheva la mémorisation du Coran et apprit certaines sciences religieuses avec assiduité en un temps record.

A l’école coranique, le jeune Cheikh Ahmadou Bamba se penchait sur sa « tablette » (3) dont il ne se séparait jamais et se consacrait davantage à ses cours. Dieu lui gratifia d’une mémoire très fidèle et le pouvoir de supporter la fatigue qu’engendre l’acquisition de la science. Autrement dit, il n’était pas paresseux et révisait toujours ses leçons.

Il maitrisait de nombreux textes relatifs à la théologie (la science du Tawhîd), au soufisme (Tassawûf), au droit islamique (Fiqh) ainsi que des prières à savoir le Dalâ-il al-Hayrât (4)Nafh at-Tîb (Exhalation de la douce odeur) d’Al Maqqari (5), Risâla(6), des écrits de Sanûsi, d’Ibn Atâ Allah, de Khalîl Ibn Ishâq (le Muhtassar)(7).

La connaissance du jeune Cheikh Ahmadou Bamba s’étendait jusqu’aux sciences instrumentales telles que la grammaire, la prosodie, la philologie, la logique et il maîtrisait les méthodes d’exégèse coranique des ulémas et celle des gens des signes c’est-à-dire les soufis détenteurs des connaissances vérifiées.

Après son séjour auprès de son oncle Muhammad Bousso, Cheikh Ahmadou Bamba revint s’instruire auprès de son père, se distinguant toujours par une grande soif de la quête du savoir.

Avant même d’atteindre l’âge de vingt-ans, il avait déjà retenu l’essentiel des sciences religieuses. Aussi, son père l’intégra-t-il dans la gestion de ses Ecoles et le Cheikh devint alors un professeur à l’Université de Serigne Momar Anta Salli.

Voilà le jeune Ahmadou Bamba, le Soufi d’une dimension exceptionnelle, qui fréquenta très tôt le Cercle des Adorateurs Bien-Aimés de Dieu.

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  1. « Maqâmâti Junayd-éki mbôti Tayfûr ci sak ndaw nguaka lakhôn té takh ti lâ fort », cf Njûc-Njâc de Serigne Moussa Kâ, chantre de Cheikh Ahmadou Bamba.
  2. C’est la coutume dans les milieux wolofs de l’époque. A la tombée de la nuit, les parents racontaient aux enfants des contes qui participaient à leur conduite dans la vie sociale.
  3. sorte de bois, de cuire ou de fer dont dispose l’élève et sur lequel on écrit les leçons.
  4. « Dalâ-il al-Hayrât » est un recueil de prière sur le prophète (psl). Son auteur est l’illustre soufi marocain Abu Abdullah Muhammad ibn Sulayman ibn Abu Bakr al-Jazuli al-Simlali, plus connu sous le nom Imam al-Jazuli ou Sheikh Jazuli, mort en 1465.
  5. Nafh at-Tîb est composé par l’historien arabe Shihab al-Din Abul Abbas Ahmad Ibn Muhammad ibn Ahmad ben Yahya al Qurayshi al Maqqari, né à Tlemcen vers 1591 et mort au Caire en 1632.
  6. Risâla du juriste de rite malikite Ibn Abî Zayd Al-Qayrawânî, de son nom complet Abû Muhammad Abdullah ibn Abî Zayd al-Qayrawânî, né en 922 et mort en 996 à Kairouan en Ifriqiya (actuelle Tunisie).
  7. Le « Muhtasar » appelé Muhtasar Khalîl. Son auteur fut le mufti malikite du Caire et professeur à l’école Shaykhûniyya. De son vrai nom Khalîl Ibn Ishâq Ibn Mousâ Ibn Shu’ayb, Diyâa eddin Abû al-mawadda Al-misrî, connu aussi sous le nom d’Al-jundî, car il s’habillait souvent en soldat.

Bibliographie :

Exil de Cheikh Ahmadou Bamba en Mauritanie, Cheikh Abdoulaye DIEYE, édité par le Cercle Islamique des Mourides de l’Océan Indien

Les Bienfaits de l’Eternel de Cheikh Mouhammad al-Bachir MBACKE, traduit par Docteur Khadim MBACKE IFAN

Khadim Rassoul MBAYE

Responsable du Comité Scientifique de la

Fédération des Elèves et Etudiants Mourides de Thiès

Etudiant au Département de Philosophie à l’UCAD

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