« Bourrage de crâne» est une expression inventée lors de la Première Guerre mondiale. Mais elle est encore d’actualité quant à  la façon dont les médias contemporains nous informent. En effet, chaque organe de presse suit une ligne éditoriale qui influence beaucoup la manière dont on traite l’information.
L’expression «bourrage de crâne» dénonçait la propagande mensongère pendant la Première guerre mondiale. Pour en comprendre le sens, il faut la situer dans son contexte. L’ouvrage Le Tour de la France par deux enfants, écrit sous le pseudonyme G. Bruno, est un manuel destiné certes à  l’apprentissage de la lecture, mais on y préparait les enfants à  un patriotisme aveugle visant la reconquête de l’Alsace et de la Lorraine alors sous le joug de l’Allemagne.
Dans leur ouvrage « La fabrication du consentement : de la propagande médiatique en démocratie », Noam Chomsky et Edward Herman décrivent ainsi l’état actuel des médias : «les médias, entre autres fonctions, jouent le rôle de serviteurs et de propagandes des puissants groupes qui les contrôlent et les financent. Les porteurs de ces intérêts ont des objectifs précis et des principes à  faire valoir, ils sont aussi en position d’infléchir et d’encadrer l’orientation des médias. Cela ne s’opère généralement pas au moyen d’interventions directes et grossières mais plutôt grâce à  la sélection d’un personnel politiquement aux normes et l’intériorisation par les rédacteurs et les journalistes des priorités et des critères définissant ce qu’est une information valable en conformité avec les politiques de l’establishment».
S’agissant de la propagande journalistique durant la Première Guerre mondiale, on peut rappeler quelques phrases, très parlantes, tirées des journaux de l’époque. Dans sa livraison du 4 août 1914, Le Temps écrivait : «les armes de l’ennemi, en tout cas, ne sont pas dangereuses; c’est de la camelote !». Le 17 août de la même année, le journal L’Intransigeant croit savoir que «les obus (shrapnels) éclatent en pluie de fer inoffensive ! Les blessures par balles ne sont pas dangereuses ! Les gaz asphyxiants, eux, ne sont pas bien méchants !». Et Le Matin de Paris, dans son édition du 27 avril 1915, de lancer : « les balles allemandes ne tuent pas ! En revanche, les armes françaises sont, elles, efficaces : la baïonnette est même une arme poétique, chevaleresque même, d’une sûreté chirurgicale».
On voit bien à  quel point la description des belligérants étaient totalement subjective. Le soldat allemand était ainsi qualifié : « l’ennemi allemand est taré : il est maladroit dans ses tirs», pouvait-on lire dans les colonnes de L’Intransigeant le 17 août 1914. «C’est un barbare, poursuit Le Matin de Paris, qui coupe les mains des enfants et attache les prêtres au battant des cloches ou transforme les cadavres en savon». Parlant de l’ennemi, L’Echo de Paris ajoutait le 15 août 1914: «c’est même un lâche qu’il faut injurier pour l’obliger à  combattre ».
En revanche, le soldat français était présenté comme un héros: «il se dispute avec ses camarades pour monter au front » (Le Matin de Paris, 15/11/1914); « il supporte les blessures avec gaieté, fierté et courage» (L’Intransigeant, 17/8/1914); «le sens du devoir l’empêche de ressentir la douleur, telle l’ordonnance qui vit sa main tranchée par un éclat d’obus et alla la ramasser encore toute crispée sur le message qu’il apportait au général, avant de s’évanouir» (L’Intransigeant, 3 septembre 1916); «la guerre lui paraît, en tout cas, moins redoutable que le baccalauréat» (Le Petit Journal, 11 juillet 1915 ); «il se demande même ce qu’il pourra bien faire quand la guerre sera finie» (Le Petit Parisien, 22 mai 1915); « blessé, le soldat souhaite écourter sa convalescence pour repartir au front le plus tà´t possible» (Le Petit Journal, 5 mai 1916).
L’objectif de ces titres était clair. Il s’agissait de créer une hallucination collective. L’inefficacité des obus, des balles, des gaz et des armes de l’ennemi redoutable est poussée à  son paroxysme. La baïonnette est célébrée, avec fétichisme, comme une personne impatiente de tuer l’ennemi. Le jugement était partial voire outrancier. Il est aussi manichéen. Les soldats français étaient les bons alors que les Allemands étaient les mauvais. L’ennemi est nul; le soldat français héroïque. La description est tellement subjective que les faits rapportés en deviennent contradictoires : l’ennemi est maladroit et ses armes inefficaces; il inflige pourtant des pertes en vies humaines et des blessés en grand nombre aux Français.
Les lecteurs prenaient ces contre-vérités telles des informations fiables. Leur cadre de référence les rendait insensibles aux relations de cause à  effet, aux contradictions et à  la partialité des jugements. Ce patriotisme de défense s’accompagnait d’un nationalisme vengeur qui célèbre l’excellence de la nation française tout en professant la haine du « boche » barbare qui occupe indûment une partie du territoire national.
Sous l’empire de ces réflexes conjugués, le citoyen est devenu sourd et aveugle à  toute rationalité : les contre-vérités les plus invraisemblables pouvaient lui être servies. Malgré l’évolution notoire de notre monde en termes de connaissance et de clairvoyance, nombre de publics sont encore en proie à  cette manipulation.
La meilleure preuve en est la guerre d’ Irak en 2003. Tout le monde savait que les accusations contre Saddam Hussein n’étaient pas fondées sur des preuves solides quant aux armes de destruction massive. Pourtant, à  l’époque, sur la base des simples allégations de l’administration Bush, nombreux étaient ceux qui avaient soutenu la guerre. Après la chute de Saddam Hussein, les Américains n’ont trouvé ni armes de destructions massives, ni armes chimiques en Irak.
En y regardant de plus près, on s’aperçoit comment les journaux entendent nous dicter un principe de vie dont ils souhaitent l’existence. Ce qui fait que chaque maison de presse épouse plus ou moins une philosophie ou idéologie politique. En France, le célèbre journal Le Monde ne se réclame-t-il pas de centre-gauche ? Le Figaro est clairement de droite. L’Humanité assume une ligne éditoriale d’extrême gauche, socialiste puis communiste. Elle véhicule les idées de Jean Jaurès son fondateur. Par ailleurs, le journal Libération, fondé par Jean-Paul Sartre, affichait une ligne d’extrême gauche à  ses débuts avant de se centrer. En ce qui concerne La Croix, l’affichage du prix du journal avec la monnaie de l’Ancien Régime illustre clairement sa position politique et idéologique. Fondée par la congrégation des assomptionnistes, elle se réclame ouvertement chrétienne.
Cet alignement des journaux derrière des idéologies politiques, religieuses ou parfois même derrière des groupes de pression est pointé par Noam Chomsky et Edward Herman dans leur ouvrage cité plus haut : « […] les médias sont utilisés pour mobiliser un vaste soutien aux intérêts particuliers qui dominent les sphères de l’Etat et le secteur privé. Leur choix de mettre en avant un sujet ou d’en occulter d’autres s’expliquent souvent beaucoup mieux dans un tel cadre d’analyse, et dans certains cas avec la force de l’évidence».
Compte tenu de ce qui vient d’être dit, il serait illusoire de professer une objectivité désincarnée. Khidma assume ouvertement son ancrage dans les enseignements du fondateur du Mouridisme. Il entend, néanmoins, faire preuve de toute la rigueur requise dans le but de mieux clarifier, élucider et analyser les situations, les faits et les idées. Ceci permettra à  nos lecteurs de pouvoir mieux se faire une opinion. En effet, sa ligne éditoriale repose sur cette recommandation de Cheikh Ahmadou Bamba que l’on retrouve dans son ouvrage L’adoucisseur des cœurs et le rappel des tombes, citant le Prophète (PSL): «recommande le bien, change le mal, conseille et éveille la personne de son illusion».
Khidma, se veut universaliste. Mais il est tout d’abord orienté vers la diaspora sénégalaise dont il entend questionner les défis et mettre en lumière les problématiques. Il s’adresse également à  tous ceux qui souhaitent connaître l’enseignement et la philosophie de Cheikh Ahmadou Bamba.

Serigne Khadim MBACKE ABBAS



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